Un couple en crise, Eve et Walter, décide de partir en vacances et de sillonner les routes de Californie afin de tenter de se "retrouver". Walter est un être assez veule, un alcoolique qui ne cesse de rabaisser sa femme. La raison en est assez simple : c'est un journaliste et un écrivain raté qui ne parvient pas à se défaire de la dépendance financière du père de son épouse. Son machisme latent est constamment mis à mal. Eve n'est pas dupe, et durant une nuit au sein d'un camp de hippies, alors qu'un jeune couple part dans un coin pour faire l'amour, elle aura pour son mari cette sentence : "Eux, ils font l'amour, nous, on baise".
Ils reprennent bientôt la route et prennent à leur bord un drôle de personnage faisant du stop.
L'homme, répondant au nom d'Adam, se révèle bientôt irrespectueux envers Eve, évoquant même le fait qu'elle le suce. Bafoué dans son amour propre et sa virilité, Walter s'arrête, descend l'homme de force du véhicule pour le dérouiller.
Mais voilà qu'Adam sort une arme et oblige le couple à repartir, les prenant alors en otages.
Il s'agit d'un bandit qui vient de laisser pour mort l'un de ses acolytes après un hold-up.
Un drôle de rapport s'installe entre nos trois protagonistes, alors que deux autres complices d'Adam les prennent en chasse...
De nombreuses choses ont été dites à propos de ce Autostop rosso sangue. Qu'il s'agit de l'ancêtre de "The Hitcher" de Robert Harmon, qu'il emprunte à la fois au Cani arrabbiati de Bava mais aussi à La dernière maison sur la gauche de Wes Craven (la présence de David Hess dans un rôle similaire n'y est pas étrangère), et même qu'on y trouve en dedans une scène toute droit issue du "Duel" de Spielberg, voire de Race with the Devil de Jack Starrett ... Il faut bien le dire, tout ceci semble assez juste, et il y a un peu tout ça dans La proie de l'auto-stop. On peut également le rattacher à l'australien Long Week End de Colin Eggleston qui sera tourné l'année suivante, ne serait-ce que pour la peinture d'un couple qui se délite et qui, parti en vacances, se retrouve face à un révélateur (la nature dans Long Week End, la nature humaine de manière plus globale, dans celui-ci) qui le fera imploser littéralement jusqu'à faire ressortir les pires côtés de chacun.
Il se dégage ici une ambiance lourde et malsaine tout du long, une ambiance qui se fait, à l'instar des paysages de plus en plus désertiques et en proie à la chaleur, étouffante, quand bien même ce road movie en voiture se voit, par moments, teinté d'humour et de cynisme.
Etonnant de la part de Pasquale Festa Campanile, dont la filmographie se compose jusque là en majeure partie de comédies grivoises, avec des actrices fidèles au genre telles que Edwige Fenech, Barbara Bouchet, Ornella Muti, Laura Antonelli ou encore Lilli Carati. Etonnant mais à demi convaincant si l'on compare les intentions au résultat final à l'écran.
Bien entendu, nous sommes dans une période où les cinéastes italiens saisissent l'opportunité de surfer sur le succès du film de Wes Craven qui engendre alors une vague assez vigoureuse de survivals teintés de rape and revenge comme c'est à nouveau le cas ici, après L'ultimo treno della notte de Lado et avant "La casa sperduta nel parco" de Deodato.
Ce qui étonne le plus ici, c'est l'omniprésence de provocation nihiliste dans le cadre d'un thriller qui se veut suffocant. Les liens qui s'établissent entre les deux hommes surprennent également puisque, petit à petit, c'est une espèce de fraternité machiste qui les unit. Walter se sent valorisé par cet homme pourtant dangereux qui lui propose d'écrire son histoire, tout comme il se sent valorisé par la façon similaire qu'ils ont de traiter les femmes et plus généralement l'être humain. Walter est un être désabusé tandis qu'Adam est un déséquilibré échappant à tout contrôle. Pourtant, Walter verra là l'occasion de se racheter une nouvelle vie, peut-être une noblesse retrouvée en se servant de la folie de l'homme en fuite et à partir d'un acte ignoble. Il conviendra, pour que cela puisse se faire, d'éliminer également son épouse. A ce titre, on retrouve en début de film quasiment le même plan que dans Long Week End, dans lequel le mari tient en joue, avec son fusil de chasse, sa propre femme avant de chasser un gibier plus classique. Une entrée qui préfigure tout ce vers quoi le film tendra puis accouchera au final.
Le propos est assez féministe puisque le seul personnage qui garde une personnalité entière à laquelle on peut en outre s'identifier demeure Eve, laquelle n'hésite pas à se sacrifier physiquement et sexuellement pour sauver sa peau et celle d'un mari égoïste et lâche, en même temps que de faire coup double et de se venger en se donnant à un autre sous les yeux d'un époux dont la virilité se voit alors fortement malmenée.
Une autre scène assez révélatrice, autant de l'individualisme que du machisme masculin, est l'élimination pure et simple par Adam des deux bandits à l'homosexualité suggérée qui le rattrapent afin de récupérer leur part du butin. Un moment étonnant dans lequel Walter finira de s'identifier à Adam, et qui par mimétisme, puis une quasi-ambivalence progressive, sombrera petit à petit dans le calcul machiavélique.
Finalement, Adam deviendra l'ennemi à abattre dès lors qu'il violera Eve, tandis que ligoté, il ne pourra plus qu'assister impuissant à la scène. Une scène qui fait écho au propos d'Adam fraîchement pris en stop par le couple et qui avait déjà déclenché la colère d'un Walter castré de l'intérieur.
Le film est bien mené, exploitant de manière intelligente et efficace les décors non pas américains mais filmés dans la région des Abruzzes, un peu à l'instar de certains westerns transalpins. La musique de Morricone, passant du banjo à la pure balade hippie, se démarque totalement de ses autres compositions et souligne magnifiquement cette balade brutale, dynamique, dotée d'interactivités aussi troubles qu'en constante mutation avec une confusion ambiante de chaque instant.
Les acteurs sont dans l'ensemble convaincants, mais là où le film pêche quelque peu, c'est dans le manque de crédibilité avec laquelle les personnages, vis-à-vis de certaines situations, mutent.
De même, d'un côté, on nage en pleine exploitation avec des scènes de sexe très proches de la gratuité ou tout du moins de la complaisance, de l'autre Pasquale Festa Campanile semble ne pas vouloir déroger à ses thèmes intrinsèques. Il est difficile de croire au personnage d'Adam. Même déséquilibré, on ne comprend pas très bien la raison pour laquelle il viole Eve sous les yeux de Walter, alors que sa principale préoccupation devrait être de se tirer vers le Mexique avec son magot. Finalement, si la scène finit par fonctionner, c'est sans doute par le jeu sans faille de Nero, qui livre une prestation très convaincante et même habitée, dans un rôle dont on ne cerne que par à-coups les motivations.
D'autres scènes étonnent, également, comme celle où Corinne Clery, pourtant assez crédible elle aussi, sort nue de la caravane pour abattre l'homme dangereux. Plus qu'ambigu, le sentiment qui domine alors est que le cinéaste ne sait trop quelle direction prendre. On se dit même, à la fin du film, que les rôles auraient pu être inversés entre Eve et Walter, et que le cynisme final recèle quelque chose de factice, tenant peut-être d'avantage de l'effet que de la réflexion logique et sincère sur une nature cruellement individualiste et par définition névrosée de l'espèce humaine.
Idem pour le passage où le spectateur est censé croire que David Hess a été abattu par ses deux ex comparses. On comprend vite que ce dernier les rejoindra vite fait bien fait et, à trop devancer les personnages, le film perd alors de son intensité et de sa crédibilité.
On peut également citer la scène des jeunes motards mettant de l'huile sur les routes sinueuses, ce qui nous amènera de façon un peu tirée par les cheveux au dénouement que je ne dévoilerai pas. De fait, si le film convainc dans ses intentions, son couchage sur pellicule s'avère parfois plus aléatoire.
Dommage qu'il y ait trop souvent des passerelles hasardeuses au sein de ce road movie Rape & revngeresque, démoniaque et violent car, en dépit de ses défauts, et malgré ses emprunts multiples, La proie de l'autostop demeure un film somme toute très intéressant, personnel et surprenant de la part de son réalisateur.
Mallox
En rapport avec le film :
# La critique a été élaborée à partir de la copie intégrale du film (1h43 en NTSC). La version sortie en vhs chez Hollywood Video dure 77 minutes, soit 22 minutes de moins !
Voici les principales scènes absentes de la version française : (SPOILERS !)
- 00'00 : Les plans d'ouverture au bord de la rivière (qui comportent le générique original).
- 05'47 : La fin de la rencontre avec l'assureur et sa femme quand Walter dit qu'il a oublié son nom.
- 07'30 : Le début la fête avec les hippies. (La musique est différente dans la VF : on entend le "Violazione Violenza" d'Ennio Morricone au lieu de la chanson)
- 10'40 : Dialogue entre Walter et Eve dans la voiture. Walter dit qu'il a mal à la main.
- 22'00 : Walter, Eve et Adam entendent les nouvelles du braquage à la radio. Ils boivent.
- 24'40 : Adam essaie de peloter Eve. Walter et Adam se disputent à son sujet.
- 29'00 : Dispute générale après le meurtre des policiers.
- 41'38 : Walter interviewe Adam qui raconte son enfance.
- 49'08 : Les deux complices d'Adam se disputent dans la caravane.
- 59'27 : Adam parle de son père et de son enfance.
- 01:25 : La version française s'arrête après le remorquage de la voiture par le paysan, sur une image fixe extraite d'une scène précédente.
- L'attaque des motards (à 1:35) a été déplacée au début du film, juste après la scène au camping. On ne voit donc pas l'accident, ni la fin originale : environ 5 minutes en moins.
A noter que la VF comporte néanmoins une scène d'une dizaine de secondes montrant la voiture remorquée dans la nuit. Cette scène est absente de toutes les éditions DVD ou Blu-ray !
# Cette chronique fut écrite en juin de l'an 2010. Un dvd digne de ce nom est sorti tout récemment (en Juillet 2016) chez Artus Films (voir ci-dessous.)
# La fiche dvd Artus Films de La Proie de L'autostop