Peu de temps après les aventures de "L'île au trésor", alors qu'il se repose dans une taverne avec son ancien équipage, le célèbre pirate Long John Silver apprend que le jeune Jimmy Hawkins ainsi que la fille du gouverneur Strong ont été enlevés par son rival, l'infâme "El toro" Mendoza. Un peu par amour filial pour Hawkins, un peu aussi parce que ce dernier détient un médaillon complétant la carte menant au trésor de la fameuse île (oui, mieux vaut oublier toute continuité scénaristique avec "L'île au trésor", ici le trésor est toujours sur l'île), Silver décide de se rendre auprès du gouverneur pour lui proposer ses services afin de négocier avec Mendoza. Il se rend donc seul sur le bateau de Mendoza avec la rançon de la fille du gouverneur, mais fidèle à sa réputation Long John Silver joue double jeu et compte bien trahir et Mendoza et le gouverneur...
Quatre ans après le mémorable "L'île au trésor" ("Treasure Island") produit par Disney, le réalisateur Byron Haskin retrouve Robert Newton dans cette suite non officielle que n'avait pas imaginé Robert Louis Stevenson. Petite production indépendante australienne, tournée à une époque où l'industrie cinématographique de ce pays était encore balbutiante, ce film n'a incontestablement pas bénéficié du même budget que son aîné. Son autre défaut est son scénario assez "léger" qui donne au film une construction étrange en deux parties. La première partie, plus originale mais plus faible, narrant les démêlés de Long John Silver avec un rival en piraterie puis sa compagne aubergiste, s'achève par un retour à la situation de départ, non pas de ce film ci, mais de "L'île au trésor". La seconde partie (dès que Long John embarque sur le bateau de l'écossais puritain) est une sorte de condensé de "L'île au trésor", mais avec des rôles exactement inversés (sauf celui du jeune Hawkins qui reste le même).
Ce "Pirate des mers du Sud" est malgré tout un très aimable divertissement familial sachant tirer partie du magnifique paysage de la côte australienne, et surtout de la truculente interprétation de Robert Newton. Parce qu'autant le dire tout de suite, si on est allergique au mémorable numéro de Newton en capitaine pirate, mieux vaut passer son chemin. Le film, reposant entièrement sur ses épaules, est un véritable festival Robert Newton, ce dernier étant présent dans près de 95% des scènes, toujours à la limite du cabotinage sans jamais y tomber. L'interprétation de Newton est devenue archétypale, et tous les pirates de cinéma s'en sont par la suite inspirés, ou ont pris le contre-pied de celle-ci (par exemple, le Jack Sparrow de Johnny Depp n'est qu'une version gay des Long John Silver ou Barbe noire de Robert Newton).
Le reste du casting est bien moins connu et presque exclusivement australien, à l'exception de la new-yorkaise et bien en chair Connie Gilchrist, qui incarne la compagne aux désirs matrimoniaux de Long John Silver (qui n'a donc plus une épouse noire qui l'attend en Angleterre). L'enfant qui interprète Jimmy Hawkins est dans la vie le fils de l'acteur qui joue le rôle du second de Long John. Leur homonyme Rod Taylor, dans le rôle de l'aveugle revanchard, entama avec ce film une brillante carrière qui lui vaudra d'incarner le premier rôle masculin des "Oiseaux" d'Hitchcock et de "La machine à remonter le temps" version 1960, une carrière toujours d'actualité en 2010 à plus de 80 ans. L'ensemble de la distribution se retrouvera peu de temps après le film à l'affiche de la première série télévisée australienne "The Adventures of Long John Silver" (alors même que l'Australie n'avait pas de chaîne de télévision autochtone). Cette série "jeunesse" destinée à l'exportation s'achèvera en 1956, après 26 épisodes, suite à la mort prématurée de Robert Newton d'une crise cardiaque.
La seule autre personne avec Robert Newton à être présente à la fois à l'affiche de ce film et de son "prequel", "L'île au trésor" de 1950, est bien entendu le réalisateur Byron Haskin. Ayant débuté comme spécialiste des effets spéciaux, il coréalisa en 1943 "Convoi vers la Russie", un film avec Humphrey Bogart ; il se spécialisera par la suite dans les films d'aventure et de science fiction. Si son œuvre n'a pas révolutionné le cinéma, il a à son actif de solides et plaisants films "de genre", les plus célèbres étant "La guerre des mondes" (première version), "Quand le Marabunta gronde" (étrange histoire d'invasion de fourmis et d'impuissance sexuelle, la victoire sur les unes entraînant celle sur l'autre) et bien entendu "L'île au trésor". Moins connu, ce "Long John Silver" mérite d'être redécouvert en famille, surtout en ces temps de fêtes.
Note : Yo Ho Ho (And a Bottle of Rum) et 6,5/10 pour cette aventure du plus célèbre des unijambistes.
Sigtuna
En rapport avec le film :
# Pour l'anecdote, en cette même année 1954, sorti aux Etats-Unis un "Return to Treasure Island" avec Dawn Adams, sensé narrer les aventures d'une descendante de Jim Hawkins. Ce film aujourd'hui oublié est souvent confondu avec le présent "Long John Silver", au point que les éditions DVD américaines de ce "Pirate des mers du Sud" utilisent les deux titres, et que le site IMDB mélange grossièrement les castings des deux films sur la fiche de "Return to Treasure Island".
# La fiche dvd Artus Films du "Pirate des mers du Sud"