Deux jeunes femmes vivent une liaison tumultueuse dans un appartement coquet. L'une travaille, l'autre pas. En dehors de leur homosexualité, elles partagent une passion commune pour le cannibalisme. Un flic bête et méchant va se mettre en travers de leur chemin.
Ailleurs, une femme d'apparence banale est en réalité une ogresse qui a besoin de se nourrir d'enfants (de préférence) pour survivre. Elle laisse derrière ses forfaits des indices qui finissent par attirer un étrange inspecteur de police jusqu'à son repaire, mais aussi d'autres personnages tout aussi bizarres.
Encore ailleurs, vers la frontière allemande (en passant par la Lorraine avec mes sabots), nous nous retrouvons en plein drame rural. Deux soeurs maltraitées (dont l'une est autiste) par un père pédophile et zoophile à ses heures finissent par l'occire. Commence alors un road-movie dans lequel les deux frangines tenteront de rallier la ville où leur idole, la chanteuse Marina Moon, effectue une tournée.
Dans un film à sketchs, les différentes histoires sont toujours reliées par un fil conducteur. Il s'agit souvent d'un narrateur s'adressant au public dans un décor en rapport avec les thèmes proposés ; c'était par exemple le cas de John Carpenter, excellent en médecin légiste dans "Body Bags". Le créneau horrifique/fantastique convient bien aux films à sketchs, comme l'ont pu prouver dans le passé des oeuvres telles "Creepshow", "La quatrième dimension" ou, donc, "Body Bags", pour ne citer qu'elles. Mais le réalisateur Thierry Paya n'a pas hésité à sortir des sentiers battus, en proposant comme fil rouge à ses trois segments un relais routier perdu en rase campagne. C'est dans ce cadre, certes au-delà du réel (mais pour d'autres raisons), que les spectateurs vont être immergés, et découvrir trois histoires extraordinaires narrées successivement par un chauffeur poids lourd, la patronne du bistrot et un client amateur de choucroute. Jean-Marie Gourio n'a qu'à bien se tenir, car dans "Ouvert 24/7", les brèves de comptoir sont d'une toute autre facture...
Est-ce à cause de la bière, peut-être frelatée, ou de la choucroute (daubée ?)... toujours est-il que les narrateurs du relais Ouvert 24/7 vont se surpasser en racontant des histoires qui dépassent l'entendement. A voir leurs tranches de merlan fris, on se demande quelle muse a bien pu les inspirer au point de pousser très loin les limites de l'imagination.
En effet, que penser de récits dans lesquels on va trouver, en vrac, un flic hargneux se faisant émasculer dans les chiottes d'une boite de nuit, mais qui ne va pas se faire soigner (ça gratte un peu, mais bon...) ; un autre policier (décidément) traquant l'ogresse avec un crucifix et de l'eau bénite ; cette même ogresse se voyant défiée par sa nièce de dix ans aux arts martiaux ; un prince charmant/magicien/VRP se livrant à un solo de Bontempi endiablé à rendre jaloux Charly Oleg ; un fermier sodomisant une poule avant de la faire cuire... et j'en passe !
L'apport de tels personnages ne laisse aucun doute quant à la volonté du réalisateur d'avoir voulu mélanger les genres, passer du gore à l'érotisme, puis à la comédie, avant de bifurquer vers le drame. Parfois la sauce prend, mais la plupart du temps elle se révèle indigeste, malheureusement. L'exemple le plus frappant concerne le deuxième segment, à savoir le conte fantastique librement adapté du "Petit Poucet", dans lequel Thierry Paya saupoudre son histoire horrifique d'une forte dose d'humour décalé. Un décalage qui se fait d'ailleurs à plusieurs niveaux, par les références, d'abord, puisque l'on passe allègrement de Charles Perrault à Grimm, en passant par Walt Disney et des délires de cartoons à la Tex Avery. Un décalage dans l'humour, également, qui fait mouche de temps à autres grâce à quelques répliques bien amenées ("mon régime m'interdit la viande de beauf", répond l'ogresse qui se fait draguer par un abruti) ; mais le plus souvent ces touches d'humour tombent à plat (mention spéciale au "rabbin de garenne"), le passage le plus consternant restant l'épisode du VRP.
A vouloir courir plusieurs lièvres à la fois, on risque de rentrer bredouille. Et c'est le gros défaut de ce "Ouvert 24/7" qui, voulant intégrer un maximum d'ingrédients dans sa recette, finit par livrer un plat sans grande saveur. D'un côté, Thierry Paya et son associé, le scénariste Colin Vettier, se donnent du mal pour se forger une identité propre ; mais de l'autre, ils ne peuvent s'empêcher de multiplier les références, parfois de manière évidente (l'affiche de "Creepshow" devant le cinéma, la présence de Lloyd Kaufman à la fin du film justifiant l'esprit Troma...), et parfois de manière cachée (l'autiste du troisième segment ne prononce qu'un mot, "Gna", tout comme François Hadji-Lazaro dans "Dellamorte Dellamore").
"Ouvert 24/7" finit donc avec un caméo de Lloyd Kaufman en personne. Le boss de Troma tient à la fois son propre rôle et celui du patron du relais routier (à ce propos, on sera étonné que l'homme soit absent des bonus, ni même cité par une seule des personnes interviewées). Enfin, le film se conclut par un dernier hommage, le "Thelma et Louise" de Ridley Scott, guère plus heureux.
Soyons néanmoins indulgents, autant le réalisateur que la plupart des acteurs de "Ouvert 24/7" ne sont pas encore aguerris à l'exercice difficile du long métrage. On peut penser que certains membres de l'équipe parviendront à se faire un nom dans le métier, du moins l'espère-t-on. C'est surtout le casting féminin qui semble prometteur, avec notamment Maud Galet-Lalande et Stéphanie Kern Siebering, qui se sont montré les plus convaincantes.
Quant à Thierry Paya, son bilan est mitigé. Satisfaisant dans la forme, on voit à travers les bonus qu'il sait diriger une équipe (par contre, la direction de certains acteurs est catastrophique) et maîtriser une importante logistique. Dans le fond, beaucoup de choses sont à reconsidérer, le choix du fil rouge entre chaque segment est à ce titre une erreur qui plombe le film définitivement. "Ouvert 24/7" est un film raté, à l'arrivée, donnant le sentiment d'assister à un fourre-tout hétéroclite dans lequel le réalisateur se serait trop dispersé, et c'est bien dommage.
Flint
En rapport avec le film :
# La fiche dvd Le Chat qui fume du film "Ouvert 24/7"