Piscine sans eau
Titre original: Mizu no nai puuru
Genre: Erotique , Thriller , Drame
Année: 1982
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Koji Wakamatsu
Casting:
Yûya Uchida, Mie, Reiko Nakamura, Yumiko Fujita, Yoshio Harada...
Aka: A Pool Without Water
 

Un homme enfermé dans une pénible routine (métro/boulot/famille/dodo) assiste à l'agression d'une jeune femme. Il interviendra juste avant que celle-ci prenne des tournures dramatiques. Par la suite, comme perturbé, il chloroformera des filles pendant leur sommeil afin de les violer. Le parcours de ce simple poinçonneur en dira long sur la condition des hommes au sein de l'archipel japonais.

 

 

Le terreau de Piscine sans eau c'est l'exploitation. Et l'un de ses plus fertiles travailleurs, tout droit issu du quartier de Shinjuku, fut Koji Wakamatsu. Yakuza devenu l'un des enfants terribles du cinéma pink, c'est avant tout un auteur, doublé d'un activiste politique de gauche fermement voué à ses convictions (elles-mêmes portées par l'extase/le fantasme de la révolution). Cependant, quand l'idéologie de ses débuts (Sex Jack, L'extase des anges, Va va vierge pour la seconde fois...) s'est perdue dans la défaite, quand il n'est resté de la contestation que de l'amertume, au mieux de la nostalgie, alors il se tourna vers un style plus "vitriole", magnifiant les sous-genres les plus outranciers (ici donc, le film de viol, faisant écho à la série des "Rapeman").

Piscine sans eau est l'un des films les plus emblématiques de cette période disons plus "classique" ("Ejiki", "Sosuke le cocu"...), mais témoignant surtout d'une nouvelle manière de faire du cinéma (signalons que l'obtention d'une certaine respectabilité pour le pink-eiga a tout simplement poussé Koji Wakamatsu a abandonné le cinéma pink, qu'il ne désirait pas voir sur le devant de la scène : "[…] Ce cinéma, c'est la guérilla. Pour moi c'est quelque chose qui devait rester dans l'ombre [...]").

 

 

C'est l'acteur principal, Yuya Uchida (sorte de John Lennon japonais, acteur dans "Furyo", "Les liaisons érotiques" et même un "Zatoïchi", producteur et candidat aux élections municipales de Tokyo en 1991), qui brancha Wakamatsu sur le sujet du film. Il débarqua chez celui-ci avec quelques articles du fait divers original sous le bras (le canevas de Piscine sans eau, du coup, flirte allégrement avec un format d'exploitation) et lui demanda s'il se sentait capable de réaliser un film où lui-même incarnerait le criminel. Pour Wakamatsu, habitué des tournages avec des inconnus, ce fut une première ; il tourna avec une rock star qui, elle-même, convoqua des personnalités telles que Tamori (humoriste et présentateur télé), Kenji Sawada (chanteur, musicien) et Yoshio Harada (acteur connu pour ses rôles de rebelle). Cela plut aux majors et propulsa le film vers un certain succès. Piscine sans eau ne connut toutefois pas de sortie hors du Japon, et fut diffusé pour la première fois en France lors de l'Etrange Festival 2011.

Le ton rappellera le thriller, à l'inverse d'un style purement inscrit dans le film de viol âpre et baroque. Mais en exergue, le ton est à la contemplation. L'oeil de Wakamatsu est affecté par l'obsession pour les gestes de son personnage ; comme s'il ne devait rien en perdre, comme s'il se déroulait là une rare chorégraphie. Et à force d'insistance, à la manière d'un zoom répété autant de fois que nécessaire, les silences deviennent angoissants et l'intervention de la parole surprend autant qu'elle se fait rare. Si l'ensemble tend à ce point à l'investigation, c'est aussi que la présence du photographe Kazuki Hakama, en provenance de la publicité et réputé pour être l'as des plans de voitures, nous a laissé un somptueux travail sur les couleurs bleutées, tendant à l'immersion totale dans le monde de la nuit. Malheureusement, leur collaboration ne se renouvellera pas.

 

 

Piscine sans eau pourrait être vu comme un élargissement du principe même du film de viol japonais ; c'est à dire que le violeur est encore une fois un aliéné et que la victime deviendra, à force, consentante. Pour s'en convaincre, il suffira de voir et revoir cette séquence où la magnifique Reiko Nakamura se réveille de son coma chloroformé, ne se souvenant de rien et faisant face à un somptueux petit déjeuner préparé par le criminel. Dans l'imaginaire de ce sous-genre, elle succombe au "charme" de la rencontre. L'amour l'emportera.

Koji Wakamatsu rôde encore une fois bien ses rouages pour un film représentant parfaitement le manque de connaissances que l'on a de cette période (mais que l'on a cependant pu découvrir, lors de la rétrospective accordée par la Cinémathèque Française en 2010). Il clôturerait presque le cycle de film de viol entamé par Hasebe en 1976 avec "Rape" et réconcilierait les détracteurs du genre avec.
Arrivant à point dans l'histoire de ce sous-genre subversif, c'est à dire au moment où celui-ci s'épuise, Piscine sans eau et son casting prestigieux convoquent une certaine "mise à distance", une certaine poésie ne touchant jamais au crépuscule, ni à la mélancolie. Non, plus que tout, c'est de cette volonté de transparence du personnage principal (se rasant la tête et s'habillant de noir), ce désir d'unifier son corps à celui du Japon pour mieux disparaître, et de faire de ses actes ce que l'on est, dont on se souviendra.

 

 

The Hard


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