Mort remonte à hier soir, La
Titre original: La morte risale a ieri sera
Genre: Drame , Vigilante , Poliziesco
Année: 1970
Pays d'origine: Italie / RFA
Réalisateur: Duccio Tessari
Casting:
Frank Wolff, Raf Vallone, Gabriele Tinti, Gill Bray, Eva Renzi, Gigi Rizzi...
Aka: Death Occurred Last Night / Death Took Place Last Night
 

Donatella Berzaghi (Gill Bray), une jeune femme de vingt-cinq ans atteinte de problèmes psychiques graves et restée dans son esprit une enfant, disparaît à l'improviste. Le père (Raf Vallone) s'inquiète immédiatement et va trouver les services de police. Il tombe sur le commissaire Duca Lamberti (Frank Wolff), lequel ne s'alarme pas plus que cela dans un premier temps. Après tout, les disparitions sporadiques, les fugues de quelques heures ou de quelques jours, il est habitué. Inutile donc de céder à la panique, surtout avec toutes les affaires en cours à régler.
Seulement voilà qu'un mois après, la jeune femme-enfant n'est toujours pas réapparue, ce, malgré les recherches sans relâche d'Amanzio Berzaghi. Ce dernier réussit enfin à intéresser l'inspecteur de police à l'affaire, lequel se met à enquêter sérieusement avec son collègue, le brigadier Mascaranti (Gabriele Tinti). Les premières recherches les mènent droit à un réseau de prostitution qu'ils tentent de démanteler depuis belle lurette. Il est notoire qu'au sein de ladite filière, de jeunes femmes se font kidnapper, droguer, puis sont ensuite assujetties à vendre leur corps une fois battues puis accoutumées à la drogue. Seulement voilà, faut-il encore le prouver. La seule solution est alors d'infiltrer incognito toutes les maisons closes de Milan afin de mener une enquête approfondie de l'intérieur.
Avec l'aide de Salvatore (Gigi Rizzi), un jeune mac, d'une prostituée noire suicidaire (Beryl Cunningham), Lamberti parvient enfin à trouver une trace ayant des chances de le mener aux personnes qui la séquestrent...

 

 

Régulièrement classé dans le genre giallo, La morte risale a ieri sera (qu'on traduira par "La mort remonte à hier soir"), n'en possède ni les codes, ni la couleur. Pas de meurtres en série, ici, malgré la présence d'un supposé maniaque ; pas de points de vue subjectifs émanant d'un tueur ; pas d'armes blanches (à l'exception de couverts lors d'un repas entre Lamberti et sa femme - Eva Renzi -) ; et pas de machination non plus, à moins que l'on prenne le fait que tout truand mentant à la police en fomente une. Non, La mort remonte à hier soir est une simple enquête policière mettant en scène le personnage récurrent d'un roman né de la plume de Giorgio Scerbanenco, à savoir l'inspecteur Duca Lamberti campé tout en décontraction par un Frank Wolff très inspiré (celui-ci a du mal à lâcher sa guitare !). Autant dire que cette livraison de Duccio Tessari, qui suit ses incursions au sein du western ("Un pistolet pour Ringo", "Le retour de Ringo", "La chevauchée vers l'ouest"), revêt même des allures d'adaptation de Georges Simenon et de son célèbre commissaire Maigret, tant les deux personnages tendent à se ressembler.

C'est au-delà de l'enquête elle-même que réside l'un des principaux intérêts de La morte risale a ieri sera, puisqu'il s'agit là de la troisième adaptation d'une série de quatre romans de l'auteur consacré au personnage de Lamberti, "Les Milanais ont tué, samedi" pour celui-ci.
On rappellera donc que cette adaptation suit celle d'Antoine Blondin pour Yves Boisset la même année : Cran-d'arrêt, dans lequel l'inspecteur était campé par Bruno Cremer (à cet égard, on ne confondra surtout pas avec le titre français d'un autre film de Duccio Tessari, son suivant : Un papillon aux ailes ensanglantées) et se déroulait également dans les milieux de la prostitution. Il s'agissait pour Boisset de coucher sur pellicule les premières aventures de notre inspecteur ici présent. On rappellera dans un même temps que le premier à s'être intéressé au romancier fut Fernando Di Leo qui, l'année d'avant, adaptait quant à lui le troisième volet de la "série des Lamberti" avec un excellent La jeunesse du massacre (avant d'adapter à nouveau l'auteur pour Milan Calibre 9).

 

 

A lire les résumés des oeuvres de Scerbanenco ici et là, il semblerait que Tessari ait opté pour une adaptation fidèle. Exit cependant les considérations psychologiques de notre personnage principal, ancien médecin radié de l'ordre pour avoir autrefois pratiqué l'euthanasie.
Seule la structure en entrelacs est conservée, et le personnage de Lamberti, à l'instar du film de Di Leo (et de son acteur : Pier Paolo Capponi), est montré comme un type commun mais tout compte fait buté. Dans le film de Boisset, ce dernier conservait une ambiguïté en plus d'un pouvoir de séduction, ici absents. Entre les mains de Frank Wolff, le personnage se fait plus compatissant et enclin à l'humour, comme en témoignent certaines scènes avec sa femme (excellente Eva Renzi) ou certains contacts avec des prostituées qui se fendent de répliques aussi perspicaces que savoureuses (et semble-t-il prises dans le livre-même).
Quant au second, le brigadier Mascaranti, il est ici campé avec charisme et talent par l'incontournable Gabriele Tinti et se fait même, le temps de quelques plans et répliques, plus fascinant et moins monolithique que celui joué par Renato Lupi dans La jeunesse du massacre.
Cela en fait-il un film meilleur que les livraisons de Di Leo ou de Boisset ? En fait, pas vraiment...

 

 

La faute en incombe à une mise en scène assez anémique de la part d'un Duccio Tessari qu'on a connu plus inspiré ("Les Titans", "Le retour de Ringo"). Ce manque de tonus préfigure la même platitude que l'on retrouvera dans son singulier giallo l'année suivante : Una farfalla con le ali insanguinate. Un giallo intéressant sur le papier qui prendra des allures de téléfilm mou à l'écran, avec notamment des morceaux de bravoure fort peu spectaculaires, ce qui est donc déjà le cas dans La mort remonte à hier soir.
Difficile de ne pas remarquer quelques passages qui semblent particulièrement bâclés, avec, par exemple, un type tirant en l'air pour abattre un fuyard, lequel tombera pourtant sous l'impact des balles. Ce genre de défauts est assez récurrent ici, et l'on arrive à se dire que, décidément, Tessari a souvent manqué de punch au sein du polar ("Les Durs"), et qu'au niveau course-poursuites, cela n'a jamais été vraiment son truc (voir celle quasi-paraplégique dans Un papillon aux ailes ensanglantées). S'il semble demeurer fidèle à l'intrigue policière du roman initial, Tessari a bien du mal également à imposer une quelconque patte derrière la caméra, si bien qu'au lieu de parler d'une mise en scène qui sait s'effacer devant son histoire, on parlera plutôt d'un manque cruel de mise en scène, lequel porte un préjudice extrême à l'intérêt du spectateur qui pourra bien, à mi-parcours, déserter un métrage qu'il trouve neurasthénique.

Mais la bonne idée, celle qui sauve le film de l'anecdotique, se trouve dans les entrelacs évoqués plus haut. Plus précisément dans le personnage du père, qu'on aura tendance à oublier en cours de route mais qui réapparaîtra plus tard pour se faire justice lui-même, ce dernier ayant mené son enquête en parallèle tout en suivant nos garants de la légalité. Finalement, de façon chanceuse ou non, Tessari parvient à se faire prophétique dès 1970 avec ce personnage paternel qui finit par se salir les mains pour infliger un châtiment brutal, exemplaire et libératoire (tout du moins pour le spectateur).
Ce personnage du père qui se fait justice tout seul devance de nombreuses illustrations analogues du citadin-justicier que l'on verra bientôt fleurir durant toutes les années 70, dans le polar transalpin. Il y a aussi ailleurs une volonté de réalisme et de réflexion sociale qui ne sont pas à négliger : ainsi l'un des passages les plus singuliers et touchant du film reste celui où les prostituées expliquent comment elles ont été poussées sur le trottoir.

 

 

La mort remonte à hier soir est donc un film inégal. A l'instar de Una farfalla con le ali insanguinate, Tessari hésite trop souvent entre l'action et le document, entre le spectacle décontracté et musclé et l'analyse sérieuse d'une société qui se délite.
Si la photographie aux allures blêmes de Lamberto Caimi ("Milano rovente" de Lenzi) est splendide, la partition de Gianni Ferrio n'est en revanche pas toujours bien utilisée. Trop souvent encombrante, Tessari semble la distiller au petit bonheur la chance, tant et si bien que sur un même rythme jazz on peut, au choix, regarder un type fumer, marcher, ouvrir ses volets ou se battre à coups de chaises avec d'autres personnes.

Dommage que La mort remonte à hier soir souffre d'autant d'approximations, il y avait de quoi, semble-t-il, offrir un spectacle plus homogène et, somme toute, moins hasardeux et plus prenant.
A noter la présence de "Incompatible", une chanson chantée par Mina, et composée par Ferrio et le réalisateur lui-même.

 

 

Mallox

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