Plus fort que la tempête
Titre original: Potop
Genre: Historique , Guerre , Cape et épées
Année: 1974
Pays d'origine: Pologne / URSS
Réalisateur: Jerzy Hoffman
Casting:
Daniel Olbrychski, Małgorzata Braunek, Tadeusz Łomnicki, Kazimierz Wichniarz, Władysław Hańcza, Leszek Teleszyński, Wiesława Mazurkiewicz, Ryszard Filipski...
Aka: The Deluge
 

Aux confins de la Pologne et de la Biélorussie, au milieu du 17ème siècle, des soldats rentrent dans leurs villages, blessés, meurtris, vaincus mais vivants au terme d'un long conflit. Pour d'autres, la défaite est moins amère et la guerre moins détestable. Tel est le cas du jeune et fringant Polovnik (commandant) Andrzej "Jedruz" Kmicic qui, lui, s'en retourne tout auréolé de gloire, et héritier de la seigneurie d'Orsha. Il est aussi, par union de leurs deux familles, fiancé à la blonde Oleńka Billewiczówna (oui, je sais, ce ne sont pas des noms faciles, et encore vous n'avez rien vu). Ils sont tous les deux jeunes et beaux, et même si le caractère de la sage et vertueuse Olenka est aux antipodes de celui du bouillant cavalier, ils se plaisent de suite et Andrzej jure à sa promise un amour éternel. Le soir, de retour dans sa demeure, Kmicic est entraîné par ses "officiers" dans une beuverie qui se termine par le viol des servantes.
Plus tard, alors qu'il retourne auprès de ses troupes, ces mêmes officiers, restés sur place, provoquent un esclandre dans une auberge en importunant des jeunes filles. Les choses dégénèrent et ils n'hésitent pas à sortir leurs armes pour tuer les villageois qui s'interposent, mais mal leur en prend car ils finissent tous égorgés par les rudes autochtones.

 

 

De retour des casernements, Kmicic découvre les cadavres de ses amis. Pris d'une rage froide, il s'en va avec son escorte brûler le village des responsables et massacrer sa population. Mais, une fois la surprise passée, les habitants, dont de nombreux vétérans du récent conflit, prennent le dessus et Kmicic est contraint de se cacher dans le manoir d'Oleńka. Celle-ci, horrifiée par ses actes mais toujours amoureuse de lui, lui sauve la vie avant de le chasser, pense-t-elle, à tout jamais.
Peu de temps après, les habitants de la contrée apprennent que leur bien-aimée maîtresse a été prise en otage dans sa propre demeure par un Kmicic de retour avec ses troupes. Ils demandent alors à Michał Wołodyjowski, un autre Polovnik, tout aussi célèbre, et qui séjournait dans le coin, de se mettre à leur tête pour libérer Oleńka. Après un rapide combat, Kmicic obtient que le sort d'Oleńka et le sien soit réglé par un duel au sabre avec Wołodyjowski. En découvrant son adversaire, Andrzej ne peut réprimer son hilarité : petit, rondouillard, âgé, Wołodyjowski est loin d'avoir le physique de sa réputation. S'en suit un combat homérique que Michał finit par remporter en tuant notre héros... Attendez... Non, en fait il n'est pas vraiment mort. Sauvé par les soins d'Oleńka et l'attitude chevaleresque de Wołodyjowski, il va peut-être avoir l'occasion de se racheter devant Dieu et les hommes, et même de retrouver l'amour de sa belle, car arrive... le "Déluge".

 

 

Ce "Déluge", c'est d'abord le titre original du film (enfin, sa traduction littérale) ; c'est ensuite celui du roman dont le film a été tiré ; c'est enfin et surtout le nom donné à une période particulièrement mouvementée de l'histoire polonaise. On regrettera que le titre d'exploitation français (uniquement en vidéo ?), même s'il permet d'éviter toute confusion avec un sujet biblique, enlève non seulement la référence littéraire mais aussi et surtout la référence historique (il est vrai peu parlante auprès du public français).
Potop est donc l'adaptation fleuve (pas loin de cinq heures, le film étant sorti en deux parties dans son pays d'origine) d'un roman fleuve d'Henry Sienkiewicz, chantre du patriotisme polonais à une époque (la fin du 19ème siècle) où la Pologne n'existait plus. Ce roman, élément central d'une trilogie sur la Pologne du 17ème siècle, par le prisme de la petite histoire, un amour contrarié par les événements, raconte la grande, le "Déluge" donc.

 

 

Mais venons-en au film lui-même. Comme toute les adaptations d'œuvres monumentales, Potop se retrouve face à plusieurs écueils : le schématisme ou, au contraire, le trop grand fourmillement de détails, le didactisme scolaire ou laisser le spectateur dans le flou, etc... Et il faut bien le dire, ces écueils, Jerzy Hoffman ne les évite pas tous. Mais globalement, ce film est une grande réussite. Alors oui, les péripéties sont parfois répétitives (on ne compte plus le nombre de fois où le héros frôle la mort ou est grièvement blessé), oui l'histoire d'amour est excessivement mélodramatique, oui on a plus l'impression d'assister à une succession de scènes marquantes et parfois superfétatoires qu'à une œuvre "cohérente". Mais quel formidable spectacle, véritable déluge (ah ! ah !) visuel. Il suffit d'ailleurs de comparer ce métrage à une autre adaptation polonaise à grand spectacle d'un roman de Sienkiewicz, le médiocre, maladroit, pataud et souvent ridicule Les Chevaliers teutoniques d'Aleksander Ford, pour constater à quel point Potop, tout imparfait qu'il soit, est un grand film.

 

 

On peut aussi reprocher à ce film, tout épique qu'il soit, son manque de scènes de batailles. En effet, il n'y en a que deux : un siège au début de la seconde partie du film et une unique bataille rangée dans la dernière demi-heure. Pour le reste, comme pour l'ensemble des événements historiques, le scénario se contente d'être allusif, quitte à laisser dans le brouillard le spectateur non polonais n'ayant pas lu l'oeuvre littéraire. Quoi qu'il en soit, cette unique bataille rangée, qui ne sera jamais nommée (et que l'on devine être un affrontement mineur dans la réalité, puisqu'il met les Polonais aux prises avec l'armée de Bogusław Radziwiłł et pas avec l'armée principale suédoise), est superbe. Certes, elle est plus schématique et moins lisible que la bataille de Cälugäreni dans le Mihail Viteazul de Sergiu Nicolaescu (référence absolue et inégalable), mais la charge des lanciers ailés polonais enterre largement tout ce qui a été fait par la suite, y compris dans la trilogie "tolkienaire" de Peter Jackson (modèle pourtant depuis plus d'une décennie du genre "combat en images de synthèse"). Ah ! Les lanciers ailés ! Saviez-vous que si vous mangez des croissants au petit déjeuner, c'est un peu (voire beaucoup) grâce à eux ?

 

 

On pourra aussi trouver que le couple de héros, dans des rôles certes écrasants, manque parfois un peu d'épaisseur. Le très connu Daniel Olbrychski surjoue souvent la truculence et la bravoure et souffre de la comparaison avec les interprètes secondaires, en particulier ses doubles positif (Tadeusz Łomnicki dans le rôle du vertueux Michał Wołodyjowski) et négatif (Leszek Teleszyński dans le rôle de l'affreux Bogusław Radziwiłł), qu'il affrontera d'ailleurs dans deux duels au sabre anthologiques. Il est par contre plus crédible en amoureux malheureux. La beaucoup moins connue Małgorzata Braunek (qui fut l'épouse de Żuławski avant son exil français), sosie de Marthe Keller, a, quand elle veut exprimer le désespoir, plutôt l'air de s'emmerder. Mais convenons que sa beauté froide et sage convient parfaitement pour son rôle.
Un film donc à déguster avec un verre de Żubrówka (enfin, sur cinq heures, disons plutôt une bouteille) pour s'imprégner de l'ambiance nécessaire.

 

 

Sigtuna


En rapport avec le film :


Petit guide pour ne pas se noyer dans le déluge

(un petit clic sur l'image pour l'agrandir)

 

 

A la vision du film, vous risquez de vous dire : "C'est quoi cette république avec un roi ? ", "C'est quoi un Radziwiłł ? ", "C'est quoi la Podlachie ? ", "C'est quoi ce précédent ennemi jamais nommé ? Et : "J'y comprends rien".
Ce petit guide de survie répondra à vos questions.

- C'est quoi cette république avec un roi :
C'est en fait l'état polono-lithuanien (un état créé par l'élection du grand duc de Lituanie au trône de Pologne, au 15ème siècle) encore appelé république des deux nations, à savoir le royaume (la Pologne) et le grand duché (de Lituanie), qui vont bien au-delà de leurs frontières actuelles. A ceci s'ajoutent trois duchés vassaux mais autonomes (Prusse, Courlande, Livonie) correspondant aux anciens états des chevaliers teutoniques. République car le roi (qui est donc aussi Grand Duc et trois fois Duc) est élu par l'ensemble des nobles polonais et lithuaniens, qui votent aussi les lois.

- C'est quoi ce déluge :
Deux réponses possibles. C'est soit l'ensemble d'un long conflit qui débute avec la révolte des cosaques zaporogues (ceux de "Tarass Boulba") qui continue par une guerre de plus de dix ans en Ukraine avec la puissance montante (l'empire russe) qui est donc l'ennemi précédent (jamais nommé dans cette coproduction avec l'URSS), et qui se termine avec l'invasion de la Pologne par la Suède. Cette dernière est donc notre deuxième réponse, encore appelée le déluge suédois. Précisons qu'à l'époque, la Suède, sortie toute auréolée de gloire de la guerre de trente ans, était réputée pour avoir la meilleure armée du monde. Et que si pour les Polonais, le déluge suédois est l'événement le plus brutal (le tiers de la population polonaise y aurait péri) mais final d'une longue période de guerre ; pour les Suédois c'est l'événement déclencheur de la première guerre du Nord, où ils furent finalement aux prises avec tous leurs voisins et durent abandonner la Pologne.

- C'est quoi un Radziwiłł :
Ce qui explique le bilan meurtrier du déluge suédois, c'est qu'à l'invasion étrangère va se juxtaposer une guerre civile. En Lituanie, Janusz Radziwiłł, lituanien lui-même et chef des troupes polonaises (Hetman) lors du conflit avec les Russes, décide de rallier l'envahisseur suédois et de recréer un état lituanien autonome et vassal du roi de Suède. En Pologne, même les Suédois obtiendront le ralliement d'une partie de la noblesse et des protestants.

- J'y comprends rien :
Fallait manger du phosphore quand t'étais gamin, maintenant je ne peux plus rien pour toi.

 

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