Ni la mer, ni le sable
Titre original: Neither the Sea, nor the Sand
Genre: Horreur , Fantastique , Drame , Nécrophilie
Année: 1972
Pays d'origine: Angleterre
Réalisateur: Fred Burnley
Casting:
Susan Hampshire, Michael Petrovitch, Frank Finlay, Michael Craze, Jack Lambert, Betty Duncan...
Aka: The Exorcism of Hugh
 

L'histoire d'une rencontre, d'une perdition, puis de retrouvailles par-delà la mort : d'un côté, Anna (Susan Hampshire), prise au piège dans un mariage au sein duquel elle étouffe ; celle-ci rêve d'évasion et part sur l'île de Jersey afin de se retrouver. De l'autre, Hugh (Michael Petrovitch), gardien de phare dans cet endroit reculé, sous le joug d'un frère dominateur (Frank Finlay). D'un geste, d'un regard, ce sont deux âmes seules qui un jour se croisent puis se trouvent sur la plage. De cette solitude et tristesse fouie, va naître un amour fou...
Durant un jour férié, lors d'une promenade post-coïtale en bordure de mer, Hugh s'effondre soudainement. Paniquée, Anna se rend vers l'habitation la plus proche afin de quérir un médecin. Mais le verdict tombe : Hugh est bel et bien mort, semble-t-il d'une attaque cérébrale. Après un moment de désespoir, après des promenades sous sédatifs aux mêmes endroits que le couple aimait emprunter, un soir, Anna se met à voir une ombre fantomatique de l'autre côté, derrière sa fenêtre. D'abord intriguée, c'est Hugh qu'elle retrouve alors. Il lui avait promis de ne jamais la quitter, et c'est d'entre les morts que celui-ci semble être revenu. A moins que ce ne soit l'amour si fort que lui porte Anna qui lui ait procuré un pouvoir surnaturel. Quoi qu'il en soit, le cœur de Hugh ne bat plus...

 

 

Ni la mer, ni le sable fait partie de la famille des films n'ayant jamais trouvé la reconnaissance qu'ils auraient méritée en leur temps. Loin d'être pour autant parfait - l'enchaînement de certaines scènes pourra paraître un peu abrupt au regard d'une oeuvre romantique, sorte de berceuse à la fois mélancolique, fantastique et lugubre - elle n'en demeure pas moins une œuvre atypique, recelant une atmosphère assez rare pour être signalée. Les bobines fantastico-horrifiques traitant du deuil, quand elles ne sont pas oniriques, sont légion dans le cinéma d'hier et d'aujourd'hui. Pourtant, malgré une indolence de façade, Neither the Sea, nor the Sand sort rapidement du lot.

Basé sur le roman éponyme de Gordon Honeycombe et adapté pour le cinéma par lui-même, Ni la mer, ni le sable est l'unique réalisation de Fred Burnley, plus habitué au montage ("Le défi de Tarzan"), voire à la production ("Garbo"). Celle-ci jouit, il faut bien le dire, d'une admirable photographie signée David Muir (rien à voir avec le fantôme de Madame, celui-ci ayant oeuvré au préalable sur "Jeunes vierges pour un vampire" ou encore sur "Pataquesse"/"La première folie des Monty Python"). Une photographie et un cadre participant tous deux ici à la transcription idéale de la mélancolie solitaire de ces deux êtres perdus aux confins du monde et de l'humanité. Idem pour le joli et entêtant thème musical composé par Nachum Heiman, quasiment inconnu des cinéphiles et amateurs de bandes originales et pour cause, ce dernier se consacrera ensuite uniquement au cinéma israélien ("Ha-Tarnegol", "Sipur Intimi"...) qui, tel une ronde obsessionnelle, vient habiller la première partie du film avant de se faire plus rare, à l'instar de la disparition de Hugh.

 

 

Si Neither the Sea, nor the Sand souffre d'une transition un peu abrupte lors du passage entre Jersey et l'Ecosse, lieu-phare d'un chemin obscur entre les vivants et les morts ; il tient ailleurs très bien la route. Difficile, dès lors que le personnage campé par Michael Petrovitch s'en revient sans pouls vers celle à qui il a promis une passion immortelle, de ne pas penser au retour de John Marley, porté pour mort, chez ses parents, ce dans l'excellent "Le mort-vivant" que Bob Clark tournera en 1974. On y trouve ce même décalage. Non pas entre rêve et réalité, mais entre refus de la réalité et réalité. L'une des scènes les plus révélatrices à ce sujet reste celle où Susan Hampshire, ici très impliquée et très convaincante, se positionne comme objet sexuel, se mettant à disposition pour s'offrir physiquement à un être dont la chair tombe pourtant en lambeaux. Il est tentant également de le rapprocher d'un autre film à tendance horrifique sur l'amour fou : Buio Omega (et certainement avec la pellicule originale que je n'aie pas vue et dont s'inspirait ce dernier : Le froid baiser de la mort (voir critique). L'amour y étant plus fort que la mort, le film n'est pas loin d'y côtoyer la nécrophilie ou tout du moins, d'une manière plus large, la paraphilie. Pas tant que les protagonistes aient une attirance basique pour les cadavres, mais c'est par procuration finalement que celui qui aura perdu l'être cher continuera à vouloir le consommer de façon coïtale. Ailleurs, la morale fera également son travail de sape, ici par l'intrusion d'un frère catholique pratiquant et inquisiteur (inquiétant Frank Finlay : La cible hurlante, Meurtre par décret...), ainsi que par le pragmatisme finalement très terre-à-terre du médecin local (Jack Lambert).

 

 

Ailleurs, dans ses tourments la menant à la folie schizophrène, en même temps que le fait que cet amour trop grand l'ait peut-être transformée en sorcière (l'objet entre ses mains de cet amour alors désincarné n'étant plus qu'un simple pantin), on pense au "Season of the Witch" de George A. Romero. Comme dans le mal-aimé de Romero (et en grande partie renié par son réalisateur), le point de départ reste la solitude des êtres qui ne sont plus définis - et même n'existent plus - que par rapport à leur conjoint, puis à leur amour déçu ou contrarié. Au personnage de Joan Mitchell, femme au foyer délaissée, lui fait ici écho celui d'Anna Robinson. A la recherche de son identité, c'est un véritable pèlerinage qu'elle effectue au début. Fuyant l'ennui et la morosité d'une vie linéaire elle trouvera une échappatoire idéale en la personne de Hugh. Une échappatoire tellement convoitée qu'elle signifiera en même temps son arrêt de mort. Statufiée dans la vraie vie, jusqu'à la zombification, renaître à la vie sera ici synonyme de mourir une seconde fois...

En dépit de sa lenteur, Ni la mer, ni le sable est un beau film teinté de cruauté (cette main brûlée, ce corps en décomposition constante et inéluctable, cet amoureux transi - le vent jaloux - laissé pour compte lui aussi) qu'il est difficile de classer. Et c'est tant mieux ! Les amateurs de fantastique (au) singulier, de voyages et d'immersions sans retour possible, se doivent d'y jeter un oeil. L'effet pourrait bien se révéler semblable à une longue dépression, au sein de laquelle, après avoir touché le fond, le rebond n'en serait que plus revigorant, et le retour à la vie, plus hédoniste, dans l'acception du terme la plus noble.
"Ni la mer, ni le sable, ne pourront tuer leur amour. Ni le vent jaloux l'arracher..."

 

 

Mallox

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