Le Docteur George Dumurier (Jean Sorel) est un chirurgien respectable et reconnu. Alors qu'il trompe sa femme malade (Marisa Mell) pour folâtrer avec sa maîtresse (Elsa martinelli), l'épouse, meurt dans des circonstances très étranges, léguant dans un même temps une assurance vie d'un million de dollars à son mari. Cet héritage ne sera pas sans conséquence puisque Dumurier se voit assez vite soupçonné du meurtre de la défunte. Voici que dans un même temps, il fait la connaissance de Monica Weston, dont la ressemblance avec la défunte ne cesse de le hanter au point d'être attiré vers elle. Seule différence, Monica est blonde aux yeux verts tandis que sa femme était brune aux yeux bruns. On rentre alors dans un labyrinthe où la psyché du bon docteur sera sans cesse secouée et remise en cause, tandis que peut-être il ferait les frais d'une machination... Mais pourquoi ? Et de qui ? Alors qu'il n'y a aucune raison particulière à cela...
Trois années auparavant, Lucio Fulci a déjà livré un chef-d'oeuvre au sein du western, avec son Temps du Massacre qui pour ceux qui l'ont vu, reste dans les mémoires. Entre temps et avant cette récidive presque parfaite qu'est cette magistrale "machination" (on pourra garder pour une fois le titre français qui s'il n'est pas très original, colle bien mieux à ce maître film que d'autres "Enfer des salopes d'aubergines mal farcies"...). Les comédies du réalisateur romain portaient des signes avant-coureurs : Il Lungo, il corto, il gatto, Comment j'ai volé la bombe atomique ou encore Au diable les anges ; de ceux qui jalonnent toute son oeuvre et que l'on retrouve dans ses comédies plus tardives : Young Dracula ou Obsédé malgré lui.
Perversion Story c'est la classe incarnée, de celle où un metteur en scène transcende littéralement sa mise en scène, tente énormément de choses et les transforme toutes, parvient à tenir en haleine son spectateur dans un scénario à tiroir qui tient complètement le coup, détourne les codes d'un genre alors en vogue à son profit, prenant allègrement, contrairement à d'autres, ses distances avec les initiateurs dont Mario Bava avec lequel il a collaboré comme co-scénariste sur "Casanova", et livre au final, une oeuvre à la fois virtuose et totalement personnelle.
Le film était presque parfait serais-je tenté de dire, ce pour deux raisons que voici : La première est sa fin qui sans vouloir la dévoiler déçoit dans sa dernière minute (c'est du reste assez peu, vu ce à quoi on a assisté avant), celle-ci ressemblant de loin à une contrainte de production dont je n'ai pas trouvé d'information sur la toile, mais que Fulci parvient néanmoins à contourner en nous évitant les plans et autres procédés courants par une ellipse maligne, voire un peu trop, laissant alors son personnage dans sa petite vie médiocre, pathétique et vaguement vaniteuse au lieu de... (j'en dis pas plus).
Ailleurs c'est bien évidemment Hitchcock et son "Vertigo" qui est convoqué (Perversion Story pourrait commencer là où Vertigo se termine), en même temps que Boileau, Narcejac et leurs "diaboliques", que ce même Hitchcock jalousait tant. Ceci dit, s'il en emprunte le postulat du double féminin brun / blond, il s'en démarque très rapidement, et c'est un film de metteur en scène virtuose auquel on assiste là.
Il faut voir comment Fulci transforme une scène d'amour filmée à travers et en dessous un drap, en un moment d'une beauté plastique toute en glissé / coulé qui laisse pantois. Il faut noter également comment il se sert de ses décors "San-Francisciens" à la manière d'un type qui aurait tout compris à la ville qu'il exploite, en plus de la transformer le temps de quelques plans en une ville triste et pluvieuse qui la fait ressembler à Portsmouth, suivant alors les affres de son anti-héros. Son travail sur les lieux et décors est aussi remarquable ici que dans le plus tardif et excellent Eventreur de New York. Il la magnifie complètement sans jamais tomber dans l'exotisme propre au touriste transalpin égaré.
Que dire ensuite des deux, trois "splits screen", (dont un mémorable au sein du laboratoire de recherche, puis un autre mettant en scène Marisa Mell sous toutes ses coutures), sinon qu'ils sont maîtrisés à la perfection en plus d'être suivi de zooms arrières les plus limpides, et en raccord gracieux, que j'ai pu voir. Si je parle technicité, c'est qu'on a souvent attaquer Fulci là-dessus et mis le doigt pesamment sur les défauts de ses oeuvres tardives, sans avoir été vérifier de quoi était capable ce cinéaste virtuose. Quel malentendu et quel dommage aussi, car ils ne sont pas rares les gens autour de moi à avoir laissé tomber leur scepticisme, dû à la reconnaissance de sa trilogie (ou quadrilogie selon) zombiesque tandis que des merveilles restaient dans un même temps quasi inaccessibles.
Pareil pour la façon dont il utilise cette fois-ci ces acteurs est remarquable. Outre Elsa Martinelli ici inquiétante à souhait, l'incontournable Alberto de Mendoza, on y retrouve un acteur formidable, John Ireland dans un second rôle, tout droit sorti de certains films noirs ("Traquenard") dont rend dans un même temps hommage Fulci. On y retrouve également Jean Sorel (que l'on retrouvera dans Le Venin de la Peur, qui avec pas plus de 2 expressions au compteur et une moue pas très loin d'un Tom Cruise de l'époque, est admirablement dirigé, dans ce rôle d'un chirurgien un brin minable et totalement perdu une fois que ses petits repères changent, et qui subit alors les pires épreuves (accusation / emprisonnement pénitentiaire / chambre à gaz) sans jamais trouver rédemption, se retrouvant au final, sans qu'on le voit, de retour à son état de petit être vaniteux et triste dans l'âme. Le top, c'est évidemment Marisa Mell qui trouve ici l'un de ses meilleurs rôle, dans un double emploi, se déployant dans un même temps le plus souvent dénudée, pour le grand plaisir de tous. On en resterai même sur sa fin lors d'une séquence saphique qui avorte...
Pour finir, je pense qu'il faut absolument voir ce film, et d'une pour le plaisir qu'il procure, et de deux, pour voir comment Fulci sait manier diaboliquement un scénario, tissant tranquillement sa toile avec la virtuosité des grands maîtres, tout en distillant les plans les plus somptueux qu'on ai pu voir au sein du genre.
J'allais oublier... la partition de Riz Ortolani aux accents jazzy, oppressante et répétitive est plus que parfaite.
Mallox
En rapport avec le film :
# Dans la série "non créditée au générique", bien avant Paura Nella Citta dei Morti Viventi, c'est dans une scène de Una sull'altra, après une nuit d'amour entre Jean Sorel et Marisa Mell (qui se situe chez Marisa Mell en Monica Weston) que Janet Agren apparaît la première fois chez Lucio Fulci. Elle arrive habillée d'un chemisier bleu clair et demande un sac de couchage pour pouvoir dormir.
(cliquez sur les images pour les agrandir)
# D'autres captures pour les mirettes :