Dernier testament, Le
Titre original: Testament
Genre: Science fiction , Drame , Post-apocalypse
Année: 1983
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Lynne Littman
Casting:
Jane Alexander, Philip Anglim, William Devane, Rossie Harris, Roxana Zal, Kevin Costner, Rebecca De Mornay, Lukas Hass, Mako...
 

Une guerre nucléaire surprend les habitants d'une petite ville de la région de la baie de San Francisco. Un jour comme un autre, sauf que le père, féru de vélo s'en va au-delà de la baie. Pendant ce temps, la télévision annonce la catastrophe : bien que la ville soit intacte, les radiations font beaucoup de victimes et les survivants tentent de faire face à ce désastre. La loi martiale est mise en place...

 

 

Soit, Le Dernier testament n'est ni un film bis, ni un condensé d'actions spectaculaires, certains pourront même le trouver anecdotique et creux, arguant qu'il ne s'y passe rien ou peu de choses, il n'en est rien et il ne saurait s'agir là que d'une phénoménale erreur d'appréhension ! D'où mon envie de vous en toucher quelques mots...

Lynne Littman est une réalisatrice formée à l'école du documentaire lorsqu'en 1983, elle décide de produire elle-même ce projet qu'elle mènera à bien derrière la caméra, d'après un roman éponyme : "The Last Testament" de Carol Amen (ça ne s'invente pas !). Le point de départ autant que le traitement ne sont pas loin d'évoquer "Le Dernier rivage" de Stanley Kramer, oeuvre intelligente, emmenant le spectateur loin des canons hollywoodiens en vigueur : pas d'invasion martienne, encore moins de bastons pour une quelconque survie, une tomate ou un bidon d'essence, non, "Testament" est une chronique sur l'attente d'une mort inéluctable, un portrait saisissant de la solitude des êtres face à la catastrophe, ainsi que la chronique à peine en mouvement d'une petite banlieue de Frisco. Ici, la réalisatrice donne une vision de l'apocalypse tout à fait crédible, réaliste, angoissante, austère, déprimante. Aucune issue possible pour le spectateur en quête de sensations fortes.

 

 

Subtil mélange de chronique post-nucléaire, de documentaire et même de journal intime à la première personne (via le personnage central campé par Jane Alexander), Le Dernier testament fait partie de ces méconnus à la portée pourtant aussi puissante que son propos est d'actualité. A cet égard, celui-ci aurait bien pu être tourné hier et non pas trente ans auparavant qu'on y verrait que du feu tant le parti-pris contribue justement à ne pas le dater. On peut même supputer que la vague actuelle de post-apo dépressifs, légèrement arty et 'intellectualisante' ("The Road") se feraient doubler en termes de référence. Finalement, outre le film de Stanley Kramer, l'option prise par Lynne Littman est assez proche de celle d'un Peter Watkins lorsqu'il tourne "The War Game" (La Bombe) en 1965. De même que dans le Watkins, on y décortique les effets sur les populations, les réactions sociologiques, l'inefficacité des mesures prises par le gouvernement qui semble avoir disparu de la surface de la terre si ce n'est pour délimiter de nouveaux territoires, forçant les gens à la quarantaine tandis que c'est tout un monde qui vient d'être mis en tombe.

 

 

Les faits y font mal : les nourrissons sont les premiers à crever. Les précautions d'usage ont beau être prises, l'eau a beau être bouillie, la nourriture a beau n'être plus constituée que de conserves, qu'il est déjà trop tard. De fait, il ne reste plus aux habitants de la petite commune ici dépeinte, soit à se réfugier dans le rêve, soit à faire leur bilan afin de mieux se préparer eux-mêmes à une issue fatale. Paradoxalement, pour illustrer cet état des plus déprimants, il n'y a strictement aucune complaisance étalée à l'écran. La matière n'aurait pourtant pas manqué entre les cadavres de villageois qui s'amoncèlent et qu'on finit par brûler, les premiers saignements ou éruptions cutanées, signes de fin prochaine... Les détails les plus sordides sont bel et bien évoqués, mais à aucun moment, ils ne font office de passerelle entre un propos alarmiste (difficile de nier cela) et une démonstration grossière jouant sur l'écoeurement. Au contraire, ce à quoi on assiste, c'est à la capture d'un moment tendant vers la déprime absolue. Quand il n'y a plus d'échappatoire, ne restent que les souvenirs, symboles ici de vieillissement précoce de toute une population qui comme le titre l'indique, prépare son testament. Cela passe par exemple par de vieux albums photo comme de vieux films Super 8 qu'on projette presque assommé de voir que le temps a passé si vite, l'insouciance, ou les petits soucis au quotidien laissant place, d'un coup d'un seul, à l'hécatombe et à l'hébétement.

 

 

Jamais ennuyant mais toujours fort, Le Dernier testament peut de prime abord porter à confusion, ne serait-ce par la présence d'un casting pour le moins surprenant et qui pourra même sembler de luxe. Outre Jane Alexander (aperçue dans le remake de "The Ring", celui de Gore Verbinski) ou William Devane (Rolling Thunder, "The Dark", "Marathon Man",...), on note surtout l'impeccable prestation de Rossie Harris, l'aîné des enfants, qui trompe une mort à venir en portant secours à droite à gauche, et même à l'enfant mongolien dont le père (Mako, qu'on ne présente plus) vient de mourir. A ce titre, l'une des scènes les plus fortes de "Testament" reste celle où la mère explique à sa fille (Roxana Zal) ce que représente l'acte d'amour... une adolescente qui prendra violemment conscience que le statut de maman ne pourra jamais faire partie de sa vie. D'autres présences au générique comme à l'écran attestent d'une oeuvre porteuse : Rebecca De Mornay et Kevin Costner y forment un couple touchant et pour lequel il ne reste plus qu'empathie à avoir. Ils sont très bien dirigés et convainquent pleinement dans l'un des films les moins commodes de leurs carrières respectives. Le Dernier testament marque aussi les débuts de Lukas Haas, âgé ici d'à peine 7 ans et que l'on croise encore au jour d'aujourd'hui régulièrement à l'écran ("Mars Attacks!", The Tripper, "Inception"," Lincoln"...).

 

 

Doté d'une belle partition de James Horner qui vient enrober puis doper le film de manière autant délicate et pertinente qu'efficace, Le Dernier testament, à l'instar de "The Day After" réalisé lui aussi en 1983 par Nicholas Meyer pour la télévision avant d'être exploité au cinéma en France (néanmoins plus porté quant à lui sur la Guerre froide), peut être considéré comme l'une des pierres angulaires du traumatisme post-nucléaire porté à l'écran au début des années 80. Une oeuvre simple mais frontale, ressemblant à une veillée funèbre, et à ce titre, non dénuée d'une grande beauté mortuaire en dépit de son apparente sécheresse...

Mallox

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