Grand défi, Le
Titre original: Ercole, Sansone, Maciste e Ursus gli invincibili
Genre: Comédie , Peplum
Année: 1964
Pays d'origine: Italie / France / Espagne
Réalisateur: Giorgio Capitani
Casting:
Alan Steel (Sergio Ciani), Howard Ross (Renato Rossini), Nadir Baltimore (Nadir Moretti), Yann Larvor, Elisa Montés, Moira Orfei, Hélène Chanel, Lia Zoppelli, Livio Lorenzon...
Aka: Samson and His Mighty Challenge
 

Le demi-dieu Hercule se trouve à la croisée des chemins et à la croisée des destins. Plutôt que de prendre la voie de la sagesse et de la vertu que lui conseille Zeus son père (qu'il appelle familièrement papa), à grand renfort d'éclairs, il préfère celle de l'aventure qui le mène en Lydie, contrée célèbre pour la beauté de ses femmes. Une réputation pas vraiment usurpée si on en juge d'après la princesse héritière Omphale et ses suivantes, qui se prélassent sur la plage. Hercule, qui ne perd pas de temps, sauve Omphale de la noyade et se voit déjà l'épouser. Hélas pour lui, Omphale peu sensible à ses charmes est déjà (secrètement) amoureuse d'Inor le fils du chef des montagnards rebelles. La reine de Lydie Némée et son rusé conseiller voient par contre tous les avantages d'une alliance avec l'invincible Hercule, mais pour s'assurer de sa véritable identité ils lui imposent une première épreuve, renflouer l'épave du bateau contenant le trésor royal. Épreuve dont Hercule s'acquitte avec une grande facilité, au grand déplaisir d'Omphale. Micron (Goliath en VO), le serviteur nain d'Inor, a alors une idée pour empêcher le mariage : en se substituant à la voix de l'oracle que Némée et Hercule doivent consulter pour conclure le mariage, il imposera à ce dernier de devoir vaincre l'homme le plus fort du monde, un dénommé Samson, avant de pouvoir épouser Omphale...

 

 

Un péplum à petit budget, tourné en pleine période de déclin du genre et réunissant des culturistes de seconde zone, voilà qui à première vue ne donne pas vraiment envie (à ceci, on pourrait ajouter une note IMDB désastreuse, mais en matière de film de genre non anglophone ce site n'est en aucune façon un indicateur de la qualité des œuvres, mais plutôt une preuve de l'extrême paresse intellectuelle, pour ne pas dire de la bêtise crasse, du "grand public" pseudo cinéphile), voire repousserait le premier venu. Et bien, le premier venu aurait tort car nous avons ici une excellente petite comédie sans prétention mais très alerte et surtout très drôle, en plus d'être un péplum très recommandable.
Et oui, Le grand défi est une comédie drôle, ce qui n'a hélas plus rien de "pléonasmique" en ce 21e siècle où le cinéma récent et hexagonal autant que hollywoodien nous gave de comédies poussives et affligeantes. Mais revenons à nos gros bœufs, Ercole, Sansone, Maciste e Ursus gli invincibili est un film dans lequel les ressorts comiques ne reposent pas tant sur la parodie que sur ceux (de ressorts) de la comédie classique, à savoir le comique de caractère et le comique de situation. A ceci s'ajoutent des scènes de slapstick pur très bien foutues, qui annoncent les "Trinita" et consorts du spagh' comique, mais en beaucoup plus justifié et réussi car elles exploitent l'un des codes essentiels du péplum fantastique, la force surnaturelle des héros.

 

 

Ce qui nous donnera deux scènes de baston quasi anthologiques (quasi car les limites budgétaires du film en matière de décors et de figuration s'y font un peu sentir) : celle de la première rencontre entre Maciste et Ursus où une auberge est détruite de fond en comble, et le feu d'artifice final de la (fausse) cérémonie de mariage d'Hercule dégénérant en bagarre générale.
Mais les qualités de ce métrage ne se limitent pas à ces deux scènes même si elles sont très réussies. Non, la force du Grand défi c'est qu'il respecte les codes du péplum tout en jouant avec. Car, comme je l'ai écrit précédemment, ce film n'est absolument pas une parodie (en matière de distanciation ironique on lui préférera donc l'autre grande réussite du péplum comique, "Les Titans" de Duccio Tessari, qui a l'avantage d'avoir un budget et un casting autrement plus conséquents).
Le grand défi utilise en effet la mythologie de ses quatre héros comme ressort comique et scénaristique, leur mythologie cinématographique et littéraire mais aussi leur mythologie au sens propre pour les deux personnages légendaires d'Hercule et de Samson (Maciste et Ursus étant des créations du début du 20e siècle). Par exemple, la perte de la force de Samson, après que Dalila lui ait coupé les cheveux (ici pour l'empêcher de lui échapper) est un des éléments essentiels de l'histoire.

 

 

Hercule est donc un être impulsif et orgueilleux, tout à la fois fier de ses origines divines et désireux de s'en affranchir, Maciste un boy-scout naïf toujours prêt à aider la veuve et l'orphelin, Samson un paysan dominé par une épouse jalouse (Dalila) et qui cherche à tout prix à lui échapper (là, je vous accorde qu'il y a une légère réinterprétation du personnage biblique), Ursus une brute épaisse mais aussi un serviteur fidèle.
Enfin, deux des éléments récurrents du péplum, le couple de jeunes premiers et le comparse nain, généralement en marge de l'action et censés apporter au film respectivement une touche de romantisme et un doigt d'humour, sont ici parfaitement intégrés au scénario et s'avèrent être les véritables antagonistes des quatre hommes les plus forts du monde. Preuve aussi que l'on est dans un humour beaucoup plus élaboré que la moyenne, à aucun moment le nain n'est utilisé dans les séquences de slapstick.
Un mot sur le réalisateur Giorgio Capitani ; formé sur le tas, il devint un spécialiste des comédies grand public. On lui doit aussi un western pas comique pour un sou mais assez original, Chacun pour Soi, avec Klaus Kinski et George Hilton formant, sans doute car ça reste suggéré, un couple homosexuel.

 

 

Au niveau du casting, point de culturiste anglo-saxon, et côté héros musclé la seule véritable vedette c'est Alan Steel (Sergio Ciani). Cascadeur à la base, ayant débuté comme doublure de Steve Reeves et acteur relativement correct (en comparaison du standard des culturistes, il n'avait d'ailleurs pas besoin d'être doublé vocalement), il était néanmoins handicapé par une taille moyenne (à la manière d'un Brad Harris) et une expression du visage assez renfrognée. Howard Ross et Nadir Baltimore, pseudonymes sous lesquels se cachent deux culturistes italiens, débutèrent réellement tous deux un an plus tôt dans un même film, le très sympathique "Maciste contre les Mongols" où ils jouaient deux des trois (très) méchants fils de Gengis Khan. Contrairement au second et même à Alan Steel, la carrière d'Howard Ross survivra au péplum et il deviendra un second rôle solide du cinéma de genre italien. Le Breton Yann Larvor est, avec l'Antillais Serge Nubret, l'un des seuls culturistes français à avoir œuvré (très brièvement) dans le péplum. Si sa palette de jeu n'est pas des plus étendues, il est ici (comme ses "petits" camarades italiens d'ailleurs, certes plus expérimentés) suffisamment bien utilisé pour que ses limites ne se remarquent pas trop.

 

 

Côté féminin, on retrouvera dans des rôles secondaires deux sculpturaux piliers du genre, la brune Moira Orfei et la blonde Hélène Chanel. Dans le rôle de la virginale Omphale, une actrice andalouse, Élisa Montés, dont on a peine à imaginer que sa carrière débuta dix ans plus tôt tant ses traits paraissent juvéniles et son jeu limité. Il est de coutume en matière de péplum de se moquer, souvent avec raison, de la mono-expressivité des culturistes propulsés acteurs, mais que dire alors de la jolie espagnole. Encore qu'ici son jeu est admirable si on le compare à sa prestation dans le très kitsch "Erik le Viking" tourné la même année où, en princesse indienne, elle passe tout le film à regarder Gulianno Gemma avec un air enamouré, y compris quand elle agonise dans ses bras (un grand moment qui, avec la perruque en crin de cheval de Fernando Sancho dans le rôle d'un guerrier viking, suffit à faire rentrer ce film au panthéon du septième art).
Pour en revenir aux acteurs masculins, on notera aussi la présence du chauve Livio Lorenzon, un autre pilier du genre.
Bref, des culturistes, un nain et des jolies filles, le tout en jupettes, et surtout beaucoup d'humour... franchement c'est bien pour ce genre de films que les frères Lumière ont inventé le cinéma (ils me l'ont d'ailleurs confirmé lors de ma dernière séance de spiritisme).

 

 

Sigtuna


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