Une équipe de criminels opère une violente attaque d'un fourgon blindé de la Bank of America. L'escorte est désarmée, les convoyeurs assommés et le gang s'empare des fonds transportés sans que personne n'ait eu le temps de riposter ou de les en empêcher. Prévenus du coup, les inspecteurs Mark Gavin (Enrico Maria Salerno) et Robert Cunningham (Frederick Stafford) se trouvent non loin, dans une voiture banalisée d'où ils assistent impuissants au vol puis à la fusillade meurtrière qui s'ensuit. Pire, ils sont même neutralisés en étant assommés...
Hold-Up commence sur les chapeaux de roues et, dès son entame, entre dans le vif du sujet : un fourgon sort de son entrepôt, nos deux inspecteurs de police évoqués ci-dessus et chargés de le suivre lui collent au cul, tandis que dès le premier ralentissement le fourgon est sauvagement attaqué. Le motard est tué à bout portant et l'inspecteur Cunningham, prompt à sortir de la voiture, est assommé sans retenue par l'un des pilleurs, avec la crosse de son pistolet. La porte arrière du fourgon est alors défoncée aux explosifs et le coffre est embarqué à toute pompe par deux hommes, dont Steve Duggins (Marcel Bozzuffi), cerveau et meneur de l'opération, dans une voiture qui se tenait en embuscade. Les deux hommes prennent la fuite, le générique suit... Difficile de lourder un début plus rythmé, monté nerveusement, bref, délesté de toute fioriture et boursouflure !
Les choses se tassent ensuite quelque peu et cette petite bobine dont le début promettait fureur et frénésie se met à stagner, à l'instar de son personnage principal, un peu paumé d'avoir perdu la mémoire...
Touchant une pension, sa vie se divise dès lors entre son chez-lui et Judith, sa nouvelle compagne rencontrée après l'accident (et campée par Nathalie Delon), la boisson comme aide psychologique (non pas pour oublier), ainsi que les tripots de jeux. C'est dans ce dernier lieu que le passé va le rattraper.
Si Hold-Up se fait alors plus classique, plus routinier, et il le restera jusqu'à sa fin (qui du reste s'anticipe assez facilement), l'ensemble n'est pas pour autant ennuyant et conserve même pas mal de dynamisme ainsi qu'une rigueur certaine au niveau de la tension distillée. Les fusillades, relativement sauvages, viennent régulièrement relancer l'intérêt. Il en va de même pour une chouette poursuite à trois voitures le long de la Riviera, ainsi qu'un hold-up inattendu dans un casino, par je-ne-dirai-pas-qui.
Tourné quasiment en même temps que L'Homme sans mémoire, Hold-up est sorti le 2 août 1974 sur les écrans italiens tandis que le thriller de Duccio Tessari a déboulé le 23 du même mois dans la péninsule. Peu importe l'ordre finalement, car leur principale similitude est qu'ils évoluent tous deux, chacun à sa manière, dans les mêmes eaux troubles que le très porteur mais pourtant modeste "Diaboliquement vôtre" de Julien Duvivier. Un accident de voiture pour un Delon en quête de soi, des fouineurs qui viennent s'intéresser aux passés de Luc Merenda (lui aussi victime d'un accident de la route) et de Frederick Stafford (violemment assommé). Dans les deux derniers cas, si les personnages principaux s'interrogent sur leur passé, jusqu'à retrouver des bribes de souvenirs - illustrés par des flashbacks propres au thriller façon puzzle à reconstituer - ce sont d'autres personnages qui sont les plus pressés de les voir retrouver la mémoire, quitte à les menacer physiquement et, surtout, quitte à les aider dans leur quête et enquête, parfois sans le savoir, toujours sans le vouloir.
En tout cas, si L'Homme sans mémoire a eu droit, en plus d'une reconnaissance relative lors de sa sortie en salles, à une petite exhumation tardive (rappelons aux amnésiques qu'il est sorti en dvd, par exemple en France, chez NeoPublishing), Hold-Up, instantánea de una corrupción n'a pas eu cette chance et l'ironie du sort fait qu'il a été plutôt oublié depuis...
Certes, bien qu'il ait tourné une vingtaine de longs-métrages depuis le début des années 60, Germán Lorente n'a pas la petite renommée qu'a su se forger Tessari, et pour cause, peu de ses films ont passé les frontières transalpines pour être exportés ailleurs en Europe, encore moins dans le monde entier. À partir de là, sa relative rareté n'a rien d'étonnant. Par contre, et comme dit avant, contrairement à la plupart des autres œuvres du cinéaste, celle-ci a eu la chance d'être exploitée sur grand écran (le film est sorti en France en octobre 1977). Au final, l'injustice est que les deux films se valent, voire que celui-ci lui est un poil supérieur. Soit, pas de morceau de bravoure à tronçonneuse ici mais, eut égard au fait que l'antihéros de Hold-Up est victime d'une machination, on pourrait l'affilier autant que son demi-siamois au genre giallo ou le classer le cul entre deux ou trois chaises, et ce sans coup de bottin sur la tête !
Hold-Up n'est pas le meilleur film de casse que vous verrez de votre vie. Ce n'est pas non plus la plus dantesque attaque de fourgon (pas trop blindé ici) à laquelle vous assisterez (la palme galactique intemporelle revenant au Money Movers de Bruce Beresford), mais c'est un poliziesco en forme de thriller tout à fait honorable : le scénario, élaboré par le trio déjà responsable de l'anémique "Meurtres à Rome" (aka Le Crime de la via Condotti), à savoir Lorente himself, Adriano Asti et Miguel de Echarri (Enigma Rosso), reste solide malgré ses balises trop bien alignées. La partition de Franco Micalizzi emballe le tout de jolie manière, tandis que l'ensemble a comme atout supplémentaire de reposer sur un casting de qualité. À ce propos, et comme souvent, c'est la méchante brute qui remporte la partie, à savoir Marcel Bozzuffi, déjà présent dans le poliziottesco "La Vengeance du Sicilien" (Torino Nera) et qu'on reverra - toujours impeccable sinon plus - dans Section de choc, "Cadavres exquis", "Profession garde du corps", "L'Homme de Corleone", Équipe spéciale et La Guerre des gangs, rien que ça. Ajoutons quand même que les très polyvalents Enrico Maria Salerno et Alberto de Mendoza y sont, comme toujours, parfaits, que Nathalie Delon s'y montre crédible et que Frederick Stafford, après Abus de pouvoir et déjà présent lui aussi (avec Mendoza) dans "Meurtres à Rome", ne démérite en rien. Dans Hold-up, Il parvient même à jouer sur plusieurs registres et se montre aussi paumé qu'obstiné.
En tout cas, avec des ingrédients similaires à ceux de "Meurtres à Rome", Hold-up, sans prétendre pouvoir faire partie des standards, se montre un bon cran au-dessus de son prédécesseur !
Mallox