Pour être tout à fait franche, je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre avant d'entamer la lecture de "En Cages" de Thomas Maufroid et j'étais même assez sceptique. Un jeune auteur inconnu, un thème assez étrange, une couverture sympathique mais finalement assez peu évocatrice, j'avais tout à découvrir en ouvrant cet ouvrage et ce n'était pas la préface de Claude Raucy, qui m'était aussi inconnu que l'auteur, qui allait m'éclairer !
Mais voilà , dès les premières pages je me dis que je n'ai finalement peut-être pas mal fait de m'intéresser à ce petit roman car il pourrait bien me surprendre. Et en effet, une fois refermé, il m'a surpris, et sacrément même !
Dans "En cages", point de fantastique ni de science-fiction ou d'horreur, si ce n'est un léger soupçon d'anticipation, mais alors vraiment très très léger ! Car la société que décrit Thomas Maufroid est la nôtre à peu de choses près… Par contre, du cynisme et de l'humour grinçant, de la dérision et de la noirceur, vous en aurez à la pelle ! Par le biais de seulement quelques personnages, Thomas Maufroid va brosser un portrait on ne peut plus acide du monde de la télé et des médias, mais aussi de celui des hauts dirigeants, des grosses pontes d'ici ou d'ailleurs, américaines aussi bien qu'européennes…
Maître Edmond Elvinger, puisant avocat de Manhattan, est un personnage ignoble, imbus de sa personne et de son pouvoir, et détenant droit de vie et de mort ou presque sur tous. Quiconque s'oppose à sa volonté ou a le malheur de l'irriter ne serait-ce qu'un peu est fini. Plus de compte bancaire, plus de travail, plus d'argent, plus d'avenir. Edmond Elvinger a le bras long, immense même, et son sport favori est le licenciement à tout va et la ruine de ses détracteurs. Maître Elvinger est sans doute l'homme le plus craint du pays et un être gouverné par l'appât du gain et du pouvoir, sans morale ni conscience. Alors quand l'un de ses riches clients, Elliot Garrett, l'appelle en urgence pour l'aider à étouffer une sombre histoire de pédophilie et de meurtre d'enfant, l'avocat file au domicile du meurtrier pour ne pas voir ses bénéfices s'amoindrir. Sauf que dans sa précipitation il n'écoute pas l'avertissement de son client, de ne pas monter dans l'ascenseur réservé. Réservé à qui ? A quoi ? La surprise risque d'être de taille pour l'avocat sans scrupule…
A côté de Maître Elvinger, il y a aussi Roberto Rodriguez, réalisateur à succès d'émissions de téléréalité et fan invétéré de Tony Montana et du film Scarface. Aussi petit en taille qu'hargneux et ambitieux, le chemin du despotique et richissime réalisateur va croiser celui de l'avocat le plus célèbre des Etats-Unis pour leur malheur à tous les deux. Impossible de vous en dire plus, je ne voudrais pas vous gâcher la surprise que j'ai eue à la lecture de ce livre !
Mais sachez quand même que vous aurez des moments d'anthologie: panique et confession, humiliations, coups bas et actes désespérés, j'en passe et des meilleurs ! Le tout saupoudré d'une bonne dose d'humour noir et de sentences grinçantes…
La structure du roman est assez originale, chaque chapitre reprenant une cage bien précise en rapport avec la tragique et pathétique destinée de nos personnages. Cage de verre, cage intestinale, cage Hi-Tech, cage à fauves etc. le procédé est ingénieux et l'on appréciera aussi le changement de point de vue en milieu d'ouvrage, nous permettant d'éclairer les moments vécus par l'avocat dans son ascenseur piégé du point de vue d'autres personnages.
Alors bien sûr ce premier roman n'est pas exempt de petits défauts et de quelques facilités, mais je dois avouer que j'ai pris un sacré plaisir à sa lecture et que j'ai bien été bluffée. Bluffée par l'histoire franchement originale mais surtout par le style incisif et corrosif de l'auteur. Bien mené, ce roman est prenant et jubilatoire et nous offre une sacrée surprise, une bonne bouffée d'air glauque dans un panorama littéraire parfois un peu trop consensuel. Certaines scènes et personnages sont certes très caricaturaux mais ça passe, cela augmente le caractère dérisoire de tout cette intrigue où pouvoir, suffisance, gloire, vanité, orgueil, corruption et ambition se font la part belle. Un roman avec et sur de beaux salauds que l'on adore détester et une sacrée bonne surprise de la part de Thomas Maufroid que j'espère avoir l'occasion de relire bientôt, histoire de voir si sa plume si acide peut continuer de nous enchanter par la suite !
Note : 8,5/10
Chaperon Rouge
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A propos de ce livre :
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