Au diable les anges
Titre original: Operazione San Pietro
Genre: Comédie , Policier , Parodie
Année: 1968
Pays d'origine: Italie / France / RFA
Réalisateur: Lucio Fulci
Casting:
Lando Buzzanca, Jean-Claude Brialy, Edward G. Robinson, Heinz Rühmann, Dante Maggio, Uta Levka...
Aka: Operation St. Peter's / Die Abenteuer des Kardinal Braun
 

Bien qu'étant une sorte de démarque de "Operation San Gennaro" de Dino Risi, lequel avait fait un joli succès au box-office l'année précédente, Au diable les anges commence là où "I ladri" se finissait : un petit groupe de bras-cassés et de voleurs à la petite semaine rate dans les grandes largeurs leur cambriolage, pour finalement émerger dans une prison au sein de laquelle ils libèrent Napoléon (Lando Buzzanca), l'un des prisonniers qui se joindra ensuite à eux. Encourageant ses nouveaux collègues à penser grand, et pour rester en conformité avec son nom, Napoléon suggère qu'ils quittent Naples pour Rome, où l'un de ses amis, Cajella (Jean-Claude Brialy), est actuellement en "affaires". Agent de la garde municipale le jour et surtout gigolo la nuit, Cajella ne peut rien faire pour les aider. Il les aiguille cependant vers un pèlerinage qui doit avoir lieu à la basilique Saint-Pierre, où quelques larfeuilles seront à portée de main. C'est alors que Napoléon a l'idée d'un vol audacieux : dérober la Pieta de Michaelangelo et la vendre au marché noir.

 

 

Contre toute attente, le plan réussit. Seulement, ce succès n'est pas sans déclencher des réactions en chaine : d'abord au Vatican où l'on se mobilise afin de retrouver la statue sacrée, mais aussi la chose apparaît précieuse pour un obscur réseau de grand banditisme prévenu malencontreusement par Cajella, qui n'en est pas à une gaffe près. Celui-ci s'est fait avoir par une jolie et jeune donzelle dans le night-club où il exerce ses talents sur de vieilles rombières. Les ennuis ne font donc que commencer puisqu'il s'agit d'un gang dont le boss n'est autre que le célèbre Joe Ventura (Edward G. Robinson), un truand américain célèbre pour régler ses affaires à coups de mitraillettes.
Le cardinal Braun (Heinz Rühmann), quant à lui indigné par cet acte barbare, met à profit ses talents de policier et poursuit les bandits sans relâche, avec une habileté insoupçonnée. Une course-poursuite s'ensuit entre nos lascars peu futés, un gang prêt à tout pour revendre la statue assurée au Etats-Unis pour trente millions de $, et des évêques dépêchés par le Vatican pour récupérer par tous les moyens l'objet saint. Par centaines ils se mettent à chevaucher leurs motos, à conduire des hélicoptères, bref à quadriller tout le territoire afin de le récupérer...

 

 

Succédant à une série de comédies mettant en scène Adriano Celentano (Urlatori alla sbarra, Uno strano tipo) ou Franco et Ciccio (I due evasi di Sing Sing, 002 operazione Luna, Come svaligiammo la banca d'Italia, Il lungo, il corto, il gatto...), Lucio Fulci, après un intermède également réussi dans le western avec Le temps du massacre, ne jouit toujours pas de la reconnaissance escomptée. On lui propose toutefois un budget plus que décent pour tourner une énième comédie policière, genre très en vogue alors, mettant en scène un acteur en pleine ascension : Lando Buzzanca. Celui-ci a déjà exercé ses talents comiques notamment chez Bruno Corbucci et sa série des "James Tont", ou même chez Gérard Oury et "Le Corniaud" dont on retrouve ici - soit dit en passant - la séquence de la voiture coupée en deux. Lucio Fulci jouit également d'un casting international avec les présences d'acteurs comme Heinz Rühmann (que l'on connaît chez nous pour son rôle dans "La bourse et la vie" de Jean-Pierre Mocky), Jean-Claude Brialy, dont ce n'est pas la première incursion en Italie (deux films avec un Tomas Milian encore débutant : "Les Garçons" de Mauro Bolognini et "La banda Casaroli"), puis Edward G. Robinson qu'on ne présente plus et qui cachetonne alors en Europe tandis que sa carrière semble faire du surplace ("Le carnaval des truands" aux côtés de Klaus Kinski et d'Adolfo Celi). Là-dessus, Lucio Fulci s'attèle au scénario ; et pour bien faire s'adjoint les services d'Adriano Bolzoni (Le fils de Spartacus, El mercenario) et surtout d'Ennio De Concini, déjà en grande partie responsable du script de "Operation San Gennaro" sur lequel Au diable les anges capitalise. Bref, tout est là semble-t-il pour assurer la réussite de l'entreprise puis son succès...

 

 

Pourtant, Au diable les anges est une déception. Fulci peine ici à retrouver la verve et le dynamisme de ses meilleures réussites. Il semble embarrassé par son abondant casting autant que par une histoire (qui lorgne vers "Un monde fou fou fou fou" de Stanley Kramer) surchargée de chassés-croisés. Ainsi se retrouve-t-on avec un trop-plein de personnages que le réalisateur ne parvient pas à harmoniser, laissant petit à petit les acteurs livrés à eux-mêmes, ce dans un spectacle trop éparpillé, en tout cas dans sa première heure. Si Lando Buzzanca s'en sort honorablement en Gassman du pauvre, Jean-Claude Brialy fait peine à voir dans un rôle d'abruti ahuri semblant tout destiné à Ciccio Ingrassia. Jamais drôle, mal doublé qui plus est en post-synchro, l'acteur est ici complètement hors-jeu et semble n'en avoir cure (à lire sur ses lèvres, on se demande même parfois si ce qu'il dit est en rapport avec la scène). Sans aucun doute, des acteurs français convoqués par le réalisateur romain (on se souvient de Philippe Noiret dans Les faux jetons, de Raymond Pellegrin, de Georges Wilson avec Liens d'amour et de sang puis La longue nuit de l'exorcisme ou encore de Francis Blanche dans Les femmes du député), il est le plus faible. Quant à Edward G. Robinson, il en est réduit à rejouer trente-six ans plus tard son personnage de Little Caesar. Comme si l'hommage cinéphilique prévalait sur l'osmose comique d'un film, ses incursions ne sont ni inquiétantes, ni drôles, un peu comme si Fulci n'osait pas trop toucher à une icône, se contentant de nous rappeler aux bons souvenirs des classiques d'antan (on a même droit à un petit pastiche de "Little Caesar"» dans un passage en noir et blanc). A partir de là, Au diable les anges semble totalement déséquilibré, comme tiraillé entre l'obligation de livrer une comédie de luxe et l'embarras de diriger un acteur qu'il respecte trop, ou bien, à contrario, qu'il laisse trop libres. Du coup, ni la partie aventure/action ne fonctionne, ni la partie comique ; le tout restant en demi-teinte et mené de manière nonchalante, le faisant ressembler parfois à un bon vieux Jean Girault des familles.

 

 

En somme, Au diable les anges est sauvé par sa dernière partie, plus débridée et surtout plus délirante. Exit l'encombrant personnage de Cajella, et place au Vatican qui va déployer toutes ses forces (et pas mal d'imagination) pour récupérer la statue grâce à... Rémy Julienne ! Enfin le spectacle s'emballe, la place Saint Pierre sert d'espace à des ballets de prêtres sur une musique à la Saint-Preux (signée Ward Swingle & Armando Trovajoli), les nonnes se transforment en standardistes au service d'un réseau d'espionnage catholique à faire pâlir M de James Bond, les motos se mettent à voler à tout va avec des archevêques dessus, quand ce ne sont pas des figurants déguisés en plein tournage d'un péplum christique, et l'irrévérence propre à Lucio Fulci revient alors comme au naturel avec une féroce charge contre l'institution religieuse, puisqu'il assimile d'un seul coup le Vatican à la mafia. En témoigne une scène où, finalement, le cardinal et le dangereux gangster s'aperçoivent qu'ils se connaissent depuis leur tendre jeunesse, durant laquelle ils ont fait quelques bons coups ensemble. Un thème ou un travail de sape déjà présent dans presque toutes les comédies de Fulci jusque là, mais qui trouvera son apothéose avec Béatrice Cenci, disséquant à l'aune d'une renaissance ressemblant au moyen-âge la dangerosité de lier l'état et la religion.
Il ne cessera, au fil de livraisons plus tardives, d'enfoncer le clou. D'abord avec La longue nuit de l'exorcisme, dans lequel les traditions catholiques ancestrales se faisaient meurtrières, puis ensuite dans Les femmes du député, assez proche de Au diable les anges, mais bien plus drôle et réussi.
Enfin, celui-ci annonce également ses films païens comme L'au-delà et Frayeurs. Quoi qu'il en soit, Au diable les anges demeure un film très mineur dans la filmographie du réalisateur, et celui-ci fera bien mieux en réemployant Lando Buzzanca pour Obsédé malgré lui et Young Dracula. Il est possible aussi que Au diable les anges marque une certaine lassitude du genre chez Lucio Fulci, qui s'en ira ensuite tourner des oeuvres bien plus âpres et tourmentées, pour ne revenir qu'à trois reprises durant les années 70 dans le registre de la comédie. Il faut dire aussi qu'un genre nouveau et porteur venait de naître et qui ne demandait qu'à être exploité : le giallo. Ce que ne manquera pas de faire avec talent notre sanglier romain.

 

 

Mallox

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