Vierges pour le bourreau
Titre original: Il boia scarlatto
Genre: Horreur , Gothique
Année: 1965
Pays d'origine: Italie / Etats-Unis
Réalisateur: Massimo Pupillo
Casting:
Walter Brandi, Mickey Hargitay, Femi Benussi, Luisa Baratto, Alfredo Rizzo, Rita Klein, Barbara Nelli, Moa Tahi...
Aka: Filles pour le bourreau / Bloody Pit of Horror
 

Editeur de romans-photos sexy (avec une pointe d'horreur), Daniel Parks écume la campagne italienne avec son ami Rick, l'écrivain dont il s'inspire pour ses publications. Ils sont accompagnés de Dermoth, le photographe, et l'assistant de ce dernier, sans oublier Edith, l'habilleuse. Et puis, il y a les modèles, bien sûr, un petit groupe composé de quatre femmes et un homme. L'équipe finit par trouver le décor idéal, à savoir un château du XVème siècle juché au sommet d'une colline. L'endroit paraissant abandonné, la troupe investit les lieux. Mais le château est bel bien habité, de surcroît par un homme étrange vivant reclus, protégé par des gardes du corps patibulaires. Cet homme, Travis Anderson, somme l'équipe de faire demi-tour immédiatement, jusqu'au moment où il aperçoit Edith, par le biais d'un œil espion. Il se ravise alors et autorise Parks et les autres à rester, à condition de respecter certaines règles, parmi lesquelles celle de ne pas descendre dans les souterrains.
Evidemment, la troupe ignore les consignes, et le fait qu'Anderson est un être mentalement fragile, qui va très vite sombrer dans la folie. Jadis, en 1648, le propriétaire de ces lieux, un certain John Stuart, fut condamné à mort pour avoir sauvagement assassiné un nombre important de jeunes femmes. Surnommé le bourreau sanguinaire, il fut exécuté avec l'aide d'une vierge de fer sur laquelle on apposa un sceau et qui servit de sépulcre au bourreau. Aujourd'hui, Travis Anderson est persuadé d'être la réincarnation de Stuart. Enfilant son costume de bourreau, il va se mettre en tête de décimer ses hôtes les uns après les autres...

 

 

En 1965, le film d'horreur gothique n'est déjà plus à son apogée, même s'il connaîtra encore quelques soubresauts jusqu'en 1967, avec Le vampire et le sang des vierges, une oeuvre démesurée que l'on ne doit ni à l'Italie, ni à l'Angleterre, mais à l'Allemagne. Dans l'esprit, Vierges pour le bourreau partage quelques similitudes avec le film de Harald Reinl : un château abandonné, un maître des lieux sadique et dément, des vierges (enfin, pas tant que cela) malmenées, des couloirs obscurs, des tortures et des pièges raffinés, et comble de bonheur, un héros intrépide ; tout cela dans un esprit très proche des bandes dessinées fumetti particulièrement jouissif.


Bien que Vierges pour le bourreau soit une coproduction italo-américaine, le film a plus le goût de la pizza que du hamburger (idem pour le casting, malgré l'utilisation de pseudonymes à consonance anglo-saxonne, comme c'était souvent le cas à l'époque pour vendre le produit à l'étranger). Son auteur, Massimo Pupillo, n'est pas à proprement parler un spécialiste du genre (il préférait réaliser des documentaires, comme le souligne Alain Petit dans le bonus accompagnant le dvd Artus), ce qui n'empêchera pas ce cinéaste méconnu de tourner trois films gothiques en cette année 1965. Après Cimetière pour morts-vivants, le cinéaste embraye sans temps mort avec Vierges pour le bourreau, pour achever sa "trilogie" avec "La vendetta di Lady Morgan", hélas jamais distribué en France.

 

 

Il boia scarlatto est une réussite pour plusieurs raisons. La première tient à son cadre, le célèbre château de Balsorano situé dans la région des Abruzzes. Edifié au XVème siècle, il a servi de décor de tournage pour un nombre conséquent de films, et a fortement inspiré le cinéma de genre. On a ainsi pu voir le château de Balsorano dans "La crypte du vampire", Les vierges de la pleine lune, The Reincarnation of Isabel, L'insatiable Samantha, "Emanuelle et les collégiennes" ou encore "Malabimba". Vaste structure de pierre blanche située au sommet d'une colline, cet édifice a fière allure et insuffle une ambiance gothique indéniable.
La deuxième raison tient à son histoire, archi-classique dans sa structure, simple, linéaire mais efficace. Un groupe d'individus tombe par mégarde dans le repaire d'un dément. Après avoir planté le décor et les personnages, le film évolue vers un jeu de massacre délirant évoquant les fumetti, les serials ; un esprit pulp que Massimo Pupillo distille dans un second degré totalement assumé, pour le plus grand plaisir du spectateur. Le dosage sexy/horrifique est équilibré à bon escient, avec en point d'orgue le final dans la salle de tortures où le bourreau s'acharne sur les charmantes victimes partiellement dénudées et en mauvaise posture.

On en vient donc naturellement à la troisième raison : le casting. Dans la peau du "bourreau sanguinaire", Mickey Hargitay est tout bonnement prodigieux, et tient là l'un des rôles de sa vie. Cet émigré hongrois expatrié aux Etats-Unis puis en Italie, ancien culturiste et Monsieur Univers en 1955, aura connu un début de carrière plutôt terne, tournant dans un péplum quelconque ("Les amours d'Hercule") et des westerns pas vraiment mémorables. Vierges pour le bourreau constitue donc un tournant dans sa carrière, et son jeu tourné vers l'excès et la démesure fait office de préambule à ses futures performances dans les films de Renato Polselli, à savoir Au-delà du désir et The Reincarnation of Isabel.
Bref, Hargitay éclipse le reste du casting masculin, sans grande peine. Il faut avouer que Walter Brandi, en héros jeune premier, est toujours aussi peu crédible. Il est quand même moins ringard qu'en vampire dans "L'amante del vampiro". Sa prestation dans Le cimetière des morts-vivants est plus honnête, dans un rôle de notaire. Il est à noter que dans la VF, Brandi est doublé par Michel Gatineau, qui fut la voix française de Michael Landon et celle de Horst Tappert dans "Derrick".

 

 

Au niveau des filles, le plaisir des yeux est total. Pourtant, malgré un physique avantageux, la plupart des victimes du bourreau sanguinaire n'ont pas eu une carrière très étendue. On a pu voir Barbara Nelli dans Liz et Helen, le giallo médiocre de Riccardo Freda ; Rita Klein, en blonde idiote, eut son moment de gloire dans "Tarzan contre les hommes léopards ; et Luisa Baratto s'est surtout fait connaître à travers quelques westerns spaghetti (Sept Winchester pour un massacre, "Killer Kid",) mais aussi "L'invincible Superman".
Mais Vierges pour le bourreau met aussi en scène, pour la première fois, la délicieuse Femi Benussi. L'Italienne débute donc dans le film de Massimo Pupillo, et déjà sa moue un rien boudeuse fait des merveilles. L'année suivante, elle obtient le premier rôle dans un Pasolini : "Des oiseaux, petits et gros". Toutefois, elle retourne très vite au cinéma bis et deviendra une personnalité marquante dans le giallo et la sexy-comédie. Dans le thriller à l'italienne, elle sera souvent une victime du tueur psychopathe insensible à sa beauté : Une hache pour la lune de miel, La peur au ventre, The Killer Must Kill Again et Nue pour l'assassin témoignent de cette tendance. Au niveau des productions érotiques, Femi Benussi passera allègrement des films de jungle (Samoa fille sauvage, "Tarzana, sexe sauvage") aux succédanés du Décaméron de Pasolini, en passant par des péplums quelque peu grivois et des aventures exotiques parfois réussies, comme "Les mille et une nuits érotiques" d'Antonio Margheriti. On n'oubliera pas non plus sa prestation dans Adolescence pervertie, où elle forme un duo de première classe avec Malisa Longo.

 

 

Histoire de compléter ce tour d'horizon de Il boia scarlatto, rajoutons que la musique est signée Gino Peguri (Le corsaire noir) ; et que les effets spéciaux sont l'oeuvre de Carlo Rambaldi, qui deviendra célèbre par la suite grâce à ses travaux dans Le venin de la peur, La baie sanglante, La nuit des diables, Les frissons de l'angoisse et le diptyque Chair pour Frankenstein / Du sang pour Dracula. Rambaldi connaîtra l'apothéose dans des films "à grand spectacle" comme le King Kong de Guillermin, Rencontres du troisième type, Alien et "E.T.". Dans Vierges pour le bourreau, Carlo Rambaldi a fabriqué l'araignée géante figurant dans une scène anthologique voyant l'une des modèles (Kinojo) prisonnière dans une toile (les fils de la toile en question étant reliés à des flèches) sur laquelle évolue une araignée kitsch comme on n'en voit malheureusement plus. Le monstrueux arachnide sera d'ailleurs recyclé quelques années plus tard (avec certaines modifications) dans le Nude for Satan de Luigi Batzella.

 

En résumé, je ne saurais trop vous conseiller, si ce n'est déjà fait (le film fut largement diffusé en vidéo à son époque, bien que tronqué), ce petit bijou de gothique "déviant", dans lequel Mickey Hargitay fait un festival, tant dans la gestuelle (ah, ces grimaces, ce regard de fou !) que dans les paroles. Finissons donc avec cette merveilleuse tirade qui donne une bonne idée du ton régnant dans cette oeuvre pour le moins décalée :

J'ai fui ce monde ridicule... J'étais dégouté par l'humanité, elle n'est composée que d'êtres inférieurs. Des êtres difformes et physiquement tarés. Je ne voulais pas être contaminé par eux. Je suis un homme parfait !
C'est beau ! Et puis comme si cela ne suffisait pas, Hargitay huile son corps, exhibe ses muscles et arbore une robe de chambre rose fleurie ! Rien à dire, l'acteur était mûr pour jouer dans un Polselli.

 

 

Note : 8,5/10

Flint


En rapport avec le film :

# La fiche dvd Artus Films de Vierges pour le bourreau

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